Voyage sur les terres glissantes du Disque-Monde : Partie IV

Pour l'auteur Terry Pratchett, créateur de l'univers le plus absurde et le plus satirique de l'histoire de la fantasy, le genre-même avait besoin d'un dépoussiérage.

Étouffé par ses codes, par son sérieux et ses quêtes épiques bardées à ras bord de morales, la fantasy avait besoin de Pratchett, d'une certaine manière. Elle avait besoin d'une sorte d'anti-Tolkien, qui mettrait une passion inaltérable à étendre son univers illogique sans pour autant y implémenter une rigueur scolaire.

En lui adressant la plus grande et la plus belle des lettres d'amour et de moquerie qu'est le Disque Monde, Pratchett offre en parallèle une immense satire de notre monde moderne via une galerie fabuleuse de personnages hauts en couleurs.

Du féminisme qu'offre la Huitième Fille, en passant par la censure médiatique avec Vérité, ou encore la thématique complexe de la mort dans Mortimer, l'univers du Disque est, malgré son aspect absurde et barge, bien réaliste par de multiples aspects.

Car il est essentiel de comprendre qu'un des éléments clés du génie de Pratchet repose sur sa faculté à rendre intrigant et compréhensif un univers qui est régi par de multiples règles chaotiques. On en redemande en permanence, on dévore chaque cycle avec une contenance risible, on étouffe de rire à chaque digressions improbables, à chaque jeu de mots...

Et on observe un moment de silence en respect au travail monumental de Patrick Couton, qui rejoint le panthéon des plus grands traducteurs français, et aura permis à un profane comme moi d'accéder à un univers d'une richesse insoupçonnée.

Dans le cas du quatrième volume des Annales du Disque Monde (que l'on commence à bien connaître), c'est cette fois vers un personnage récurrent que l'on se tourne, à savoir : LA MORT. En effet, ce pauvre faucheur d'âmes (car la mort est un homme) commence à avoir une soudaine envie de vacances, et c'est avec ses yeux d'un bleu supernova qu'il jette un regard vers un certain Mortimer, un p'tit gars paysan n'arrivant pas à se trouver un emploi. Mais alors que la réalité part en vrille que la faucheuse cherche à se reconvertir et que Rincevent fait une apparition surprise, qui donc pourra assurer la stabilité de la vie elle-même ?

C'est donc ainsi que démarre ce court volume qui est pourtant déjà l'un des plus marquants de l'histoire du Disque, tant il explore avec beaucoup d'humour le sérieux de la mort. Un tome qui contrebalance avec la légèreté du précédent volume, et que le lecteur accueillera avec plaisir. En effet, passer de vie à trépas, c'est jamais une mince affaire, et découvrir les coulisses de ce travail aux côtés de la Mort, de sa fille (oui, oui) et de Mortimer est un plaisir sans nom. Pratchett affine d'ailleurs son humour et ses divagations sans queue ni tête, et l'on est plus qu'impatient de voir la suite.

Avec toujours ce cocktail explosif d'humour, de descriptions alambiquées et de personnages hauts en couleurs, Terry Pratchet affirme une nouvelle fois un talent incroyable en nous faisant arpenter les ruelles faisandées de Anhk-Morpork.