Incontournable Documentaire Mai 2022



"Naître fille" est un documentaire à la frontière de l'album jeunesse, sur des enjeux au féminin. Cinq filles de cinq pays nous introduise l'enjeu qui est important pour elles.



Kaneila ( signifie "belle comme une rose") est Népalaise ( Asie) , et vit près dans les montagnes avec sa famille. Elle nous parle de la tradition "Chaupadi", selon laquelle les femmes menstruées sont considérées impures et risque d'apporter le malheur. C'est pour cette raison qu'elles sont envoyées au Chau Goth, une hutte en retrait du village, durant le temps de leurs règles. Là, elles sont à risque de se faire mordre par des serpents ou même de se faire agresser par des hommes. Surtout, elles se sentent sales et invisibles. Mais les choses sont appelées à changer, avec l'aide de l'éducation, notamment celui du cycle menstruel. Avec Kaneila, on aborde l'enjeu des règles, du tabou qui leur sont associés et de l'accès aux produits hygiéniques inégal et/ou restreint de par le monde.



Jade ( De la pierre verte du même nom) est française ( Europe), habite le sud-est de la France, sur le bord de la mer. Son enjeu est son poids et plus largement sa silhouette ronde. Les préjugés et les commentaires désagréables lui mettent beaucoup de pression et viennent aussi bien de son entourage directe qu’indirecte. L'alimentation est en jeu, il faut surveiller ses aliments, faire du sport et "ne pas se laisser aller". Sa santé mentale et son bien être son compromis. L'idéal corporel semble impossible à atteindre et si on semble promouvoir la diversité et la beauté naturelle sur les réseaux sociaux, dans les faits, on maintient une forte pression sur les filles pour être conformes à certaines normes. Avec Jade, on aborde pas seulement l'enjeu du poids, mais de la diversité de la beauté féminine en générale.



Mahnoosh ( du perse, signifie "Clair-de-lune") vient de Kandahar, en Afghanistan ( Moyen-Orient) . Elle est ce qu'on appelle une "Bacha Posh", c'est-à-dire "habillée en garçon" en langue dari. Les Bacha poch sont une solution trouvée par les familles du pays n'ayant pas de fils, qui sont jugés plus importants parce qu'ils peuvent rapporter de l'argent, peuvent parcourir les rues, étudier, faire du sports, bref: faire tout ce qu'une fille ne peut pas. Devenue "Mahyar" ( Ami de la lune), elle peut donc assister son père au magasin et même l'accompagner à la mosquée. Mais quand elle aura ses règles, elle ne pourra plus se faire passer pour un garçon, c'est jugé "indécent". Avec Mahnoosh, nous abordons la vie de bacha poch dans un contexte de mainmise talibane bien sur, mais aussi la profonde iniquité de genre dans le système patriarcal, l'importance de l'éducation des femmes comme vecteur de changement social et l'activisme chez les afghanes.




Makena ( du swahili, signifie "Celle qui apporte le bonheur") vient du district de Samburu, au Kenya ( Afrique). Dans son pays, la pratique de l'excision et sa meilleure amie Aïsha est déjà passée par là. C'est une mutilation du sexe féminin, qui consiste à couper les lèvres et/ou du clitoris du sexe féminin, et certaines sont même cousues pour ne laisser qu'un petit passage pour l'urine et les règles. Cette tradition perdure encore aujourd'hui. Cependant, Makena nous entraine dans un village composé de femmes ayant refusé l'excision pour elles ou pour leurs filles. Elles ont fui la violence des hommes. Tumaï est l'un de ces villages, mais il en existe d'autres. Avec Makena, on abord le mariage forcé, l'excision mais aussi les sociétés matriarcales.



Enfin, Luisa ( signifie "Glorieuse Guerrière") habite l'État de Mexico, au Mexique ( Amérique du Nord). Elle nous parle du machisme, plus spécifiquement la violence des hommes à L,endroit des femmes. Que ce soit les attouchements déplacés, les regards vicieux ( et donc, du fait de ne pas pouvoir se vêtir comme on le souhaite de peur d'être victime des agresseurs) et la violence conjugale banalisée au Mexique, il semble que les femmes ont du mal à se faire justice, un élément gravé par la mollesse et la corruption des instances policières. Quand sa propre grande sœur, qui portait déjà des traces de violence physique, disparait, c'est pour la famille de Luisa le début d'une grande mobilisation. Donc, avec Luisa, on aborde les féminicides, le harcèlement et la mobilisation pour réclamer des changements.



Cinq filles, cinq grandes causes féminines qui ne sont pas localisées à leur seul pays ou même leur seul continent. Le livre est abondamment illustré, très coloré et rempli de symboles. Une touche d'humour ponctue le tout de temps à autre. Les textes sont aérés, ça respire beaucoup, ce qui enlève une certaine lourdeur. Chaque fille est présentée de la même manière, avec sa photo, son pays présenté sur une carte, la signification de son prénom, le prénom dans l'alphabet du pays et il y a pour chacune une "fenêtre". Cette fenêtre est dans son sens littéral: qu'est ce que la fille "voit" chaque matin? Des animaux? Des bâtiments en couleur? De hautes montagnes? J'aime cette petite ouverture douce sur le paysage.



"Naître fille" nous informe, bien sur, de grands enjeux qui ne datent pour la plupart pas d'hier. Ce qui est notable, surtout, c'est l'axe d'espoir ouvert à la fin de chaque histoire. On parlera de mobilisation, d'avancés éducatives, de manifestations, de changements, d'évolution et de solidarité féminine. Pour qu'il y ait changement, il doit y avoir regroupement. Dans un monde qui a été presque entièrement conçu pour les besoins et les idéaux masculins, la cause féminine va devoir se montrer astucieuse, courageuse et unie. Et bien sur, elle devra inclure les hommes, qui ne sont pas tous dupes de ce monde inégal.



Dans un format aussi joli qu'attrayant, l'autrice permet au lectorat adolescent de s'initier à certains grands enjeux sans tomber dans la lourdeur informative. Un livre qui permet en outre de traiter de la diversité ethnique, physique et psychologique. Chaque histoire est accompagnée de son volet "documentaire" qui permet d'aller plus profondément dans le sujet et d'avoir certaines pistes de réflexion. Aussi, à la fin, il y a pour chaque fille un répertoire comprenant des œuvres culturelles qui permettent d'aller encore plus loin sur chaque sujet, comme des films, livres ou des associations.



Une préface de Clémentine Beauvais est disponible au début. L'autrice, illustratrice et graphiste du présent ouvrage, Alice Dussutou prend également la plume à la fin.



Un très bel ouvrage à rependre dans les écoles et les bibliothèques, le genre qui, malheureusement , n'existait pas dans mon enfance et que j’aurai assurément apprécié. C,est donc avec un regain d'espoir que je vois fleurir ce genre de livre, qui peuvent enfin présenter des modèles féminins intéressantes et puissantes, tout en traitant d'enjeux laissés trop longtemps dans l'ombre, simplement parce que ce sont des sujets liés au filles et aux femmes. Bref, un petit impératif pour cultiver nos futurs citoyennes et citoyens de demain.



Pour un lectorat à partir du premier cycle secondaire, 13 ans+.


Pour les bibliothécaires et profs: Il n'y a pas de scènes sordides, violentes ou sexuelles. Seules quelques taches de sang tout à fait de circonstance peuvent apparaître.

Shaynning

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