Cette fiction ne comprend pas d'histoire à proprement parler. Qu'on ne s'attende ni à des faits, ni à une intrigue car il ne s'agit pas d'un récit mais d'un « voyage introspectif ». Camille Laurens, l'auteure, se penche ici sur l'instabilité du sentiment amoureux, sur la légèreté de sa naissance (le pétillement, l'allégresse) et la rudesse de son évaporation (sa mort, avec toute la souffrance qu'elle entraîne). C'est avec lucidité et brio que l'on voit la narratrice s'interroger sur le comment et le pourquoi de la disparition de l'amour.
L'écriture de Camille Laurens est rapide, fluide. Son acuité du verbe est surprenante. J'ai transcrit près d'une cinquantaine d'extraits tant je me suis pâmée devant le style et la justesse des réflexions de C. Laurens... Cependant (hélas oui, il y a un « hic »), la construction de "Ni toi ni moi" n'est pas uniforme, ce qui en rend la lecture passablement ardue. Pour illustrer le soudain désamour duquel son « je » est victime, Camille Laurens fait non seulement appel aux personnages emblématiques du roman Adolphe de Benjamin Constant, mais aussi à Hélène et Arnaud, deux personnages utilisés par ce « je » dont l'intention est d'adapter à la sauce contemporaine le roman de Constant pour un projet de scénario cinématographique.
La démultiplication de personnages, de points de vue et l'imbrication des histoires complexifie le roman. Les « switchs » de l'auteure entre les épanchements de son « je » et l'histoire d'Hélène et Arnaud sont rapides et brutaux, ce qui contribue à une rupture de style trop tranchante que pour se rendre appréciable. Mais surtout, ce qui dérange le plus, c'est cet emploi forcé du jargon cinématographique lorsque « je » écrit le récit propre au couple déchu d'Hélène et Arnaud.
Il va sans dire que j'aurais aimé bien davantage "Ni toi ni moi" s'il n'y avait eu de bout en bout que ce « je » aux éclatantes et touchantes réflexions.
Globalement, "Ni toi ni moi" n'en est pas moins un roman psychologique d'une gravité subtile et pénétrante.