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6.8
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livre de Constance Debré (2022)

Chronique vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=k8bYyICCg1Q


Bonjour à tous !


Aujourd’hui, on va parler de Nom, de Constance Debré.


C’est un livre au style très actuel, très sec, vif, cru, des phrases qui s’enchainent vite, on va droit au but, avec une autrice qui crache plus qu’elle n’écrit, mais malheureusement avec parfois des passages trop répétitifs ou factuels. Névrose d’auteur, ici on a compris que c’est la famille, et le récit s’apparente plus à du témoignage qu’à un roman. (suite en vidéo, lien en bio)


Après, moi, franchement, les autofictions, ça ne me dérange pas, je trouve que dire gniagnia les auteurs sont des gros narcissiques, encore plus quand ils écrivent sur eux-mêmes, c’est une connerie, chaque livre parle de son auteur, et on peut tous tirer une part d’universel dans une expérience personnelle. Mais ce que j’ai aimé chez Knausgaard par exemple, manque cruellement à Debré : ça manque de détails, dans le sens où on ne visualise rien. Aucune image n’est vraiment créée dans ma tête. Aucune scène n’est vraiment écrite : et c’est le reproche que je fais à ce style actuel, celui d’abandonner l’écriture pour la parole. Ça a l’air con, dit comme ça mais ce que je veux dire, c’est que j’ai juste l’impression qu’une femme me raconte sa vie, telle quelle, sans digression véritable, sans interruption, sans à un moment donner prendre le temps pour s’arrêter et décrire le bouton d’or aux pétales racornis, de faire un tableau, d’une part, et d’autre part, des personnages qui existent. Car même si ce sont de vraies personnes, je veux voir leur tics, je veux voir leur gestuelle, leur manière de parler, de s’habiller, de conduire, de fumer, je veux qu’on me montre les choses, qu’on prenne le temps. Et qu’on cesse avec ce que j’appellerai le style constatatif.


Après, ce que je disais, c’est que le sujet du roman est loin d’être inintéressant : l’héritage putrescent de sa famille d’aristocrates fin de siècle — dégénérescence d’une branche au nom qui ouvre des portes, impossibilité d’aimer et même de vivre quand on provient de ce sillage racé et endogamique. (c’est un joli mot pour dire consanguin. Et c’est pas moi qui le dit !).



Les provocations, qui nous réveille, nous revigore. Elle s’en fout de paraitre antipathique, y a aucune coquetterie d’auteur, de minaudage ou de compromis. Si bien qu’il y a des passages un peu lunaires, quand elle parle des pauvres par exemple, et qu’on ne voit pas trop où elle veut en venir, puisqu’elle passe du coq à l’âne :


« Les pauvres ne font pas d’études, ou bien des études qui servent à avoir du travail, pas des études intelligentes pour refuser le travail et être forts. […] J’ai plein d’idées comme ça. Pour les pauvres. Ce n’est pas que je les aime. C’est qu’ils me font honte. C’est souvent un problème dans ma vie amoureuse. Des filles qui continuent à croire qu’elles sont pauvres. […] je finis par les quitter ou bien c’est elles. On comprend beaucoup de choses avec le droit. Le mineur est irresponsable […] »


C’est con, on voudrait qu’elle développe pour comprendre ce qu’elle entend par là, parce que quand elle le fait pour d’autres idées dérangeantes, comme sur la littérature, ben, on peut être difficilement en désaccord, sur le fait que la littérature est l’apanage de la bourgeoisie, que l’objet-livre est presque une décoration :


« il faut que ça meure, Proust et tous les autres, tous les livres peut-être, peut-être que c’est urgent que la littérature meure, […] qui est devenue la bourgeoisie même, son rempart, sa décoration, sa justification […] la littérature doit mourir peut-être, pour redevenir cette chose de la nuit, cette activité de cafards, ce langage de rats, et non cette chose affreuse, cette chose culturelle. »




Le dépouillement total, voilà la liberté. Ne pas accepter son héritage, refuser de le léguer, refuser cette folie qu’est l’illusion du nom, l’illusion que tout est à sa place, que tout est sensé et immuable. Le patronyme n’est qu’un signe de possession comme les autres, juste une manière de marquer son bétail pour les siècles qui viennent.


On sent à travers ses mots, en filigrane, une sensibilité à fleur de peau, une sorte de même pas mal face à la vie, face à la toxicomanie de ses parents, face à son métier d’avocate ; un passage intéressant est celui où elle parle d’un de ses clients qui a tué une vieille femme et qui est incapable d’expliquer pourquoi.


Mais je n’ai pas d’autre terme qu’intéressant, je sais malheureusement que je vais digérer relativement rapidement ce livre, pour les raisons que j’expliquais plus tôt, qu’une écriture talentueuse ne prédit pas forcément un livre sans défaut, et que ce qui est souvent gonflant avec ce type de livre, c’est que les journaux, les médias le survendent vachement parlant de style brillant, incisif, etc etc… et que bon, c’est pas mauvais, hein, mais je n’ai pas traversé une expérience esthétique inoubliable.


Donc voilà, un livre à découvrir si on veut se faire cracher à la gueule, et je le dis dans le sens qu’entend l’autrice : un crachat qui indigne, qui agace, qui réveille, qui ne laisse pas indifférent, mais qu’on peut essuyer assez vite.

YasminaBehagle
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le 4 juin 2022

Critique lue 94 fois

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YasminaBehagle

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