Panorama
6.7
Panorama

livre de Lilia Hassaine (2023)

Paru dans la Collection Blanche, « Panorama », de Lilia Hassaine, décrit une société française convertie à la « Transparence ». Les écoles, villas, immeubles de bureau, les commissariats même, possèdent des murs de verre. Rien n’y échappe à la vue des passants. La criminalité a disparu des beaux quartiers. Là se retrouvent les architectes, avocats, influenceuses en vogue, aussi lisses que les parois de leurs « maisons-vivariums ». Les moins riches, les plus rebelles, habitent encore des maisons opaques, dans un quartier interlope baptisé « Les Grillons ».

À « Paxton », en revanche, nul n’ignore ce que font les voisins. La police a fait place aux « gardiens de protection » et à des patrouilles citoyennes. Dans cette cité parfaite, l’inexplicable se produit cependant : un couple avec un enfant disparaît. Les voisins n’ont rien vu. Une policière à l’ancienne mène l’enquête.


Contemporain, le roman l’est par ses thèmes. La science-fiction, dit-on, ne nous apprend rien du futur, mais beaucoup du présent. Lilia Hassaine a amplifié jusqu’à l’absurde des préoccupations d’aujourd’hui : la justice d’opinion ; la dictature de l’apparence ; l’injonction au bonheur et à la transparence ; la frivolité et l’arrogance des nantis ; la foi dans la parole des victimes ; le recul de la lecture au profit des écrans ; le rejet de l’ambiguïté ; le pouvoir des enfants-rois.


Voilà pour le cadre. Il forme l’essentiel du roman. Le récit, lui, n’est que prétexte à montrer la monstruosité en germe dans ces évolutions. L’argument est habile, qui permet à Lilia Hassaine de combiner la figure de l’intellectuelle, de la moraliste et de l’artiste. Car l’écriture et la poésie nous sauveront, ouf !


Sur le fond, on la suivrait bien un peu, si la forme n’était aussi triviale. Les personnages de Panorama sont des pantins. L’écriture, transparente comme les maisons de Paxton, échoue à faire naître un sentiment d’inquiétude ou de réalité. Ira Levin, reviens ! Quant à se figurer la « Revenge Week », regardez plutôt « The Purge ».


Les ouvertures de chapitre sont soporifiques : « Derrière la baie vitrée, une femme est assoupie » ; « Il est tard, mais David ne dort pas encore » ; « 7h30. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit » ; « Pour la première fois depuis des années, la neige est tombée sans discontinuer » ; « Le lendemain matin, nous avons rendez-vous » ; « Juillet sonne le début des vacances scolaires ». Haletant, vraiment ? On dira que l’absence de relief sert le sujet. Mais la lecture évoque plutôt celle d’un script rempli d’indications scéniques ou vestimentaires. Gageons que l’adaptation cinématographique ne tardera pas. Quant aux vraies maisons de verre, il en existe déjà, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis.


« Panorama » souffre finalement des travers du roman à thèse : manichéisme, personnages monolithiques, idées surlignées, écriture secondaire. Il faut toute la « détermination tenace » de l’avocate Gabrielle Boca pour y voir un « roman indispensable », comme l’a qualifié France Info.


Fuga-mundi
3
Écrit par

Créée

le 9 avr. 2024

Critique lue 25 fois

Fuga-mundi

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