"Jamais je n'aurais pu imaginer qu'un modeste deux pièces en banlieue parisienne puisse contenir une si grande part de l'histoire tragique du XX° siècle."
C'est en effet en vidant l'appartement de son père qui vient de mourir que Vanessa Springora découvre des traces de la vie de son grand-père, ce qui va la conduire à une enquête de deux ans dont elle fait un compte rendu minutieux dans un ouvrage qui revisite l'histoire récente de l'Europe à travers le parcours tumultueux d'un véritable personnage de roman né en 1912 dans ce qui deviendra la Tchécoslovaquie.
"Patronyme" évoque d'abord Patrick, le père que la narratrice n'a pas revu depuis neuf ans, un homme brillant par certains aspects mais dont la mythomanie et le désordre psychique se doublaient d'une incapacité à réellement travailler, avec pour conséquence une fin de vie marquée par le syndrome de Diogène dans un coin d'appartement où la crasse le disputait à la puanteur.
Mais le personnage central du livre est Josef, père de Patrick et grand-père de Vanessa, dont le passé on ne peut plus trouble n'a pas été sans conséquence sur la vie de son fils et sur un patronyme qu'il a été le premier au monde à porter en transformant son nom de naissance Springer. Sa consonance allemande risquait en effet de nuire à celui qui avait été un militant nazi comme le laissait supposer une photo découverte dans l'appartement de son fils. Poussé par sa détestation des Juifs, Josef avait rallié le III° Reich, mais il n'en parlera jamais à ses deux fils, dont Patrick qui avait certainement compris l'engagement peu glorieux de son père.
Après un début de récit qui m'avait enthousiasmé, je reconnais m'être par moments ennuyé dans les (trop) impressionnantes recherches de Vanessa Springora qui, comme nombre de ses pairs enquêteurs en écriture, pèche par excès de détails, ne voulant sûrement rien négliger des informations recueillies dans les archives les plus diverses. Une somme d'informations qui ne l'empêche pourtant pas à plusieurs reprises de faire des excursions dans la fiction signalées par des "peut-être", "probablement" et autres "j'imagine". Plus intéressantes à mes yeux ont été les nombreuses références et parenthèses historiques même si j'ai aussi été sensible à une histoire familiale écrite avec nuance et retenue, comme le résume cette phrase à propos de Josef : "Et pour toujours il se tiendra dans cette zone grise, à la lisière du bien et du mal."