Philip Roth avec « Portnoy et son complexe » nous dévoile l'univers « schizophrénique » d'Alex Portnoy.

Il a 33 ans, est devenu un haut fonctionnaire new yorkais, mais ne parvient pas à se dépêtrer de l'emprise despotique de sa mère, sur sa vie.
Une mère omniprésente, faisant l'aveugle sur l'âge de son fils, et jouant sans cesse à la « sainte patronne du dévouement ». Le père d'Alex Portnoy quant à lui, est un commercial en assurance, lâche et absent, rongé par une constipation intemporelle.

L'écriture est incisive et crue, et bien que le roman soit centré sur la communauté juive, il y a une perspective universelle. Prenons par exemple cette phrase ignoble, si chère à nombre de parents : « Un jour, tu seras père, tu comprendras », Phrase d'une brutalité et d'une imbécilité imparable, qui a pour seul but de justifier l'inquiétude (parfois) asphyxiante de nos parents.

Je me souviens de cette scène au restaurant où la maman s'inquiète de la qualité du poisson servi à son fils, alors que ce dernier a la trentaine passée, et cette révolte un peu vaine d'Alex qui se résume à ce constat amer : « Un juif dont les parents sont vivants est un gamin de quinze ans, et restera un gamin de quinze ans jusqu'à leur mort ».


En filigrane, les parents d'Alex lui reprochent de ne pas encore avoir fait d'eux des grands parents, en épousant une juive sur qui il pourra compter, sa vie durant.
La pression religieuse est lourde et continue.

Sauf qu'Alex Portnoy est attiré par les Skhyze, c'est-à-dire les blondes, plantureuses et non juives (scènes mémorables sur la patinoire). Alex est en fait tiraillé par ses pulsions sexuelles depuis tout jeune, et cela ne le lâchera plus, la culpabilité allant, grandissante.

Ce roman est un régal, tenez, un extrait, Portnoy évoque sur le divan du psychanalyste sa sexualité d'adolescent :
« Au milieu d'un univers de mouchoirs empesés, de kleenex chiffonnés et de pyjamas tâchés, je manipulais mon pénis nu et gonflé dans la crainte perpétuelle de voir mon ignominie découverte par quelqu'un qui me surprendrait à l'instant même où je déchargeais. Néanmoins, j'étais totalement incapable de ne pas me tripoter la bite une fois qu'elle s'était mise à grimper le long de mon ventre. En plein milieu d'un cours, je levais la main pour demander la permission de sortir, me ruais le long du couloir jusqu'aux lavabos, et, en dix ou quinze furieux coups de poignet, déflaquais debout dans un urinoir. »

Ce roman qui a été une véritable déflagration dans la communauté juive américaine, est à mon avis, un ouvrage d'une cohérence et d'une (im)pertinence inégalable.
murakamien
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le 27 sept. 2011

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