Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier par jerome60

Presque rien. C'est par ces deux mots que commencent le nouveau Modiano. Tout est dit, fermez le ban. L'art du presque rien est sa signature, incontestablement. Une fois encore, ne cherchez ici nulle intrigue, nulle histoire. On y croit pourtant au départ. Le personnage central, Jean Daragane, reçoit l'appel d'un inconnu qui lui affirme avoir retrouvé son carnet d'adresse. Ils conviennent d'un rendez-vous et Daragane comprend rapidement que son bon samaritain n'est pas si innocent qu'il en a l'air. Il s'intéresse de près a l'un des noms inscrits dans le carnet et voudrait en savoir davantage. On se dit que ça va mal tourner, que l'intensité dramatique va aller crescendo jusqu'aux révélations fracassantes. On se trompe, évidemment. Tout cela n'est que prétexte à une nouvelle variation sur les souvenirs et l'oubli. Ce nom qui, de prime abord, ne dit rien à Daragane, va peu à peu déchirer le voile de la mémoire et lui faire remonter le fil du temps.

L’œuvre de Modiano est comme un puzzle dont chaque pièce semble identique. Il faut juste repérer l'infime variation qui permettra de l'imbriquer parmi les autres. L'enquête intime se pare ici d'un halo brumeux qui s'opacifie au fil des pages. Comme d'habitude oserais-je dire. Et comme d'habitude, le lecteur musarde, s'égare, se promène entre les ombres. Soyons clair, si vous n'aimez pas l'univers modianesque, ce nouveau roman ne vous fera pas changer d'avis. Mais si comme moi vous appréciez cet univers où prédominent une certain forme de nonchalance, une fausse insignifiance et une douceur diffuse, n'hésitez pas. Si vous aimez les antihéros solitaires et un peu perdus, les blessures tues, les souvenirs d'enfance douloureux et la mélancolie, vous y trouverez votre compte.

Et l'écriture me direz-vous ? Et bien elle aussi est comme d'habitude. Sans éclats, sans cris. D'une neutralité au charme fou. Ce charme qui, chez Modiano, vous étreint et jamais ne vous lâche. En tout cas en ce qui me concerne.
jerome60
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le 23 oct. 2014

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