Poursuite par Anaïs Alexandre

Abby fait régulièrement le même rêve tourmenté. Elle erre dans un chant d'ossements. Ce cauchemar est l'un de ses seuls souvenirs d'enfance. A vingt ans, alors qu'elle se croyait débarrassée de ses angoisses, l'approche de son mariage ravive son cauchemar. Le lendemain de la cérémonie, Abby se fait renverser par un bus. Son mari, Willem, se questionne. Est-ce un accident ou un geste délibéré ? Il va tenter de percer les mystères de l'enfance d'Abby et comprendre ce qui l'angoisse. Elle se livre progressivement sur les actes de Lew, son père violent et Nicolas, sa mère constamment terrifiée.
Le récit alterne entre les différentes époques et les differents points de vue. On suit Abby et Willem mais aussi Lew, le père revenu traumatisé de la guerre du Golf, ainsi que Nicolas sa mère. Les mêmes faits sont racontés par plusieurs personnes. Le lecteur est témoin de l'interprétation de chacun. Il y a aussi une réflexion sur le poids de l'éducation des filles sur les femmes qu'elle deviennent.
La religion est encore très présente dans ce roman. C'est un thème qui semble assez récurent chez l'autrice. Willem est très pieu et voit en Abby une incarnation de la pureté. Son dévouement et ses croyances se font étouffants, presque malsain. L'autre thème cher à l'autrice, que l'on retrouve ici est celui de la trahison. Comme dans Une vie de cafard, l’héroïne malgré elle révèle des choses (ici fausses de surcroit), ce qui cause des souffrances à un membre de sa famille. Ce sentiment de culpabilité hante Abby et impacte tous ses choix depuis le drame.
Joyce Carol Oates nous entraine encore une fois dans une histoire sordide. La perversion est poussée à son paroxysme. Certaines scènes sont d'une grande violence et l'on peine à les lire. Lew est un homme consumé par la jalousie et la violence. Il ne recule devant rien pour conserver ce qu'il considère lui appartenir : sa femme et sa fille. La construction du récit et l'alternance des points de vue ménagent un certain suspense et rend le roman très accrocheur. Il se lit d'une traite, porté par la plume précise et évocatrice de l'autrice.
Poursuite ne sera pas mon roman préférè de l'autrice mais c'est toujours un plaisir de se plonger dans un texte de la grande Joyce Carol Oates.