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7.8
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livre de Steve Tesich ()

Ce premier roman de Tesich est un curieux roman d’apprentissage, d’abord fluide et intriguant, finalement jusqu’au-boutiste et radical. A travers une histoire en apparence banale – le passage d’un adolescent à la vie d’adulte au cours d’un été – l’auteur réussit à y mettre une puissance émotionnelle qui, grâce à tous les aspects qu’il déploie et à la justesse de son écriture, laisse difficilement le lecteur de marbre. Même si les thèmes récurrents y passent (de la nécessité de « tuer le père » aux émois de la première relation amoureuse jusqu’à la séparation des amis d’enfance) j’ai trouvé le récit original


Il y a d’un côté cette tendresse vis-à-vis du héros grâce à ses perpétuelles remises en questions, ses hésitations permanentes sur sa conception de la vie, des gens, des choses, ses manières de se comporter/être qui évoluent au fil du roman, ses « trucs » qui vont rester (je pense vers la fin à cette nouvelle manie de voir ses expériences comme un « comptable » c’est-à-dire pour chacune peser le pour et le contre, chercher du positif), bref tout cet énoncé pour dire qu’il paraît compliqué – à un moment ou un autre – de ne pas se retrouver en lui . Subtilement Tesich arrive de manière récurrente, essentiellement via des comparaisons et métaphores, à transcender son récit, en y mettant surtout de la gravité certes – pas vraiment d’humour là-dedans ! De manière générale il est donc difficile d’être lâché pendant ces cinq cent et quelques pages, tant le foisonnement d’idées et l’ingéniosité de la narration sont captivants


Et en même temps que toutes ces choses sont merveilleuses à la lecture, elles ont fini par être un obstacle au plaisir : car tout ce que je viens d’énoncer relève du pur mental. Et à la longue le mental, c’est chiant, psychologiquement usant, lassant. J’ai commencé à lâcher le roman peu après la moitié. Car il est bien jusqu’au-boutiste et radical : ce sont à peu près les mêmes choses qui se répètent tout du long, avec certes une évolution dans la puissance dramatique, mais le ton reste identique et hormis la fin lumineuse – qui m’a surpris par son optimisme, sa cassure inéluctable – c’est un labyrinthe intérieur dans lequel on nage. Des deux grands sujets abordés dans le roman à savoir la relation père/fils et celle copain/copine, ils ont fini par m’inspirer une certaine indifférence, un « je-m’en-foutisme » navrant. Tesich réussit pourtant à nous fasciner – en y mettant cette petite touche de mystère – et à suivre ces relations complexes et souvent sans queue ni tête… pour un temps


Cette fausse relation amoureuse surtout m’a lassé à la longue. En y repensant je visualise les mêmes scènes se répéter une dizaine de fois, des instants d’intimité frustrés par deux caractères incompatibles, des « je t’aime moi non plus » à rallonge, avec d’un côté elle qui adopte constamment un comportement étrange, imprévisible, et de l’autre lui – comme nous – qui essaie de se l’expliquer. Cela m’a fait penser à La confession d'un enfant du siècle, roman que j’ai fini par détester à cause de ces incessantes scènes d’amour tumultueuses où l’on ne sait jamais sur quel pied danser et où l’on contracte progressivement une véritable aversion à l’encontre des deux protagonistes. Je me croyais romantique et pourtant que ces récits m’agacent ! On n’avance pas, on ne recule pas, on stagne en croyant qu’il va se passer quelque chose, qu’un élément déclencheur va nous faire reconsidérer l’ensemble, en vain. Ni épique, ni tragique, la relation amoureuse dépouillée dans l’affrontement de deux esprits et non le contact de deux corps
Je suis donc mitigé par ce roman capable par instants de véritables prouesses, voire bouleversant, mais qui par sa longueur et la redite d’un ensemble de situations a fini par me perdre. A recommander néanmoins

Wanell
5
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le 4 avr. 2020

Critique lue 406 fois

2 j'aime

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