Second roman de la série Dave Robicheaux, "Prisonniers du ciel" nous entraîne une nouvelle fois en Louisiane, mais cette fois exit La Nouvelle Orléans et bienvenue au bayou, le vrai, l'authentique.

A la fin de "La pluie de néon", Dave Robicheaux avait démissionné de ses fonctions de lieutenant de police. Il est désormais installé dans sa ville natale, New Iberia, à proximité du bayou Tèche, où il tient une petite boutique de location de bateaux et de matériel de pêche. Il coule des jours heureux en compagnie d'Annie, qu'il a désormais épousée. Mais la petite vie pépère de notre ex-flic ne dure pas bien longtemps. Alors qu'il pêchait en compagnie de sa femme dans le golfe du Mexique, Dave assiste au naufrage d'un petit bimoteur qui embarquait cinq personnes. Seule survit une petite fille d'origine salvadorienne, âgée seulement de cinq ans et ne parlant pas un mot d'anglais. Le couple accueille la petite Alafair sous son toit, cachant sa présence sur le sol américain aux services de l'immigration. Mais les choses ne sont pas aussi simples. En intervenant, Dave Robicheaux a surtout mis les pieds où il ne fallait pas ; plus précisément dans une affaire de trafic de drogue. De quoi énerver quelques caïds locaux et d'anciens tontons macoutes à la lame agile et à la gâchette facile. Rapidement, les réflexes de l'ancien flic remontent à la surface, Dave se sent pisté, suivi, observé et en plus les services de l'immigration et de la lutte anti-drogue lui collent aux basques. Son rapport mentionnait en effet la présence d'un passager mystérieusement disparu à l'arrivée des gardes-côte et de la police. L'adversaire se révèle une nouvelle fois coriace et Dave Robicheaux y perdra plusieurs dents et surtout quelques êtres chers.

Plus sombre, plus tragique, "Prisonniers du ciel" est, sur la forme, indiscutablement plus abouti que les précédents romans de James Lee Burke. Narration mieux maîtrisée, intrigue plus resserrée, envolées lyriques plus discrètes, les défauts de "La pluie de néon" sont progressivement gommés, signe d'une plus grande maturité littéraire chez l'auteur. Burke s'enfonce également plus profondément dans la Louisiane et en pays cajun, on y gagne indiscutablement en singularité et en authenticité, pour s'éloigner progressivement du polar classique à l'américaine. Le roman est cependant d'une rare violence et la poudre parle aussi souvent que les poings, les amateurs de Derrick et Colombo passeront donc certainement leur chemin. Ce second volume est également l'occasion de creuser davantage le personnage de Dave Robicheaux, on connaissait son penchant pour la violence et la bouteille, mais on pensait que son mariage l'aurait remis dans le droit chemin. Hélas, l'alcool est un vieux démon et l'on ne met pas un terme à l'alcoolisme du jour au lendemain. Robicheaux reste un personnage attachant, mais ambigu par sa complexité psychologique. S'il est indiscutablement du côté de la loi, ses méthodes et ses principes s'accommodent assez facilement des recettes de voyou et la fin justifie souvent les moyens. Sa fascination pour la violence a un côté morbide, Robicheaux a administrativement mis un terme à sa carrière dans les services de police de la Nouvelle Orléans, mais il reste définitivement un flic et à la moindre alerte ses réflexes de vieux flic refont surface. Cette attitude, parfois infantile par son manque de recul, est l'occasion de tensions entre Robicheaux et sa femme, qui ajoutent une indiscutable épaisseur au roman, grâce à la maîtrise de l'implicite dont fait preuve assez régulièrement James Lee Burke. Les silences, les non-dits, les petites altercations contenues alternent avec les moments de joie et de plaisir ; c'est ce savant mélange de tension et d'apaisement qui rythme le roman et lui donne toute sa substance.

Une nouvelle fois, James Lee Burke impressionne par la qualité de son ouvrage et nous offre un polar bien noir à l'ambiance lourde et pesante. A partir d'ingrédients on ne peut plus communs (des flics, des voyous, des flingues, de la drogue et des filles faciles), Burke construit un roman original et impeccablement maîtrisé, consolidant son personnage principal au fil des épisodes. L'auteur imprime donc sa patte, à la manière d'un Tony Hillerman, sur un genre qui ne cesse de nous surprendre par son inventivité.
EmmanuelLorenzi
8
Écrit par

Créée

le 9 nov. 2012

Critique lue 376 fois

Critique lue 376 fois

D'autres avis sur Prisonniers du ciel

Prisonniers du ciel
Wazlib
9

John McClane de luxe.

J'ai lu le second tome des aventures de Dave Robicheaux il y a maintenant quelques semaines, mais mon ressenti ne s'est pas amenuisé pour autant. J'avais été passionné par "La Pluie de Néon" et...

le 5 mai 2019

Prisonniers du ciel
EmmanuelLorenzi
8

Critique de Prisonniers du ciel par Emmanuel Lorenzi

Second roman de la série Dave Robicheaux, "Prisonniers du ciel" nous entraîne une nouvelle fois en Louisiane, mais cette fois exit La Nouvelle Orléans et bienvenue au bayou, le vrai, l'authentique. A...

le 9 nov. 2012

Du même critique

L'Insoutenable Légèreté de l'être
EmmanuelLorenzi
8

Critique de L'Insoutenable Légèreté de l'être par Emmanuel Lorenzi

Je ne me souviens pas exactement pour quelles raisons j’ai eu envie de me frotter à l’oeuvre de Milan Kundera, et en particulier à son roman phare : L’insoutenable légèreté de l’être. Il y a...

le 2 mai 2019

24 j'aime

12

La Compagnie noire
EmmanuelLorenzi
5

Critique de La Compagnie noire par Emmanuel Lorenzi

L’écrivain américain Glenn Cook est surtout connu pour être l’auteur du cycle de la Compagnie noire, une série à succès que d’aucuns affirment classer dans la dark fantasy. On n’épiloguera pas ad...

le 8 nov. 2012

19 j'aime

10

The Bookshop
EmmanuelLorenzi
8

Une fausse comédie romantique britannique, plus subtile et délicate qu'il n'y parait

Les films qui évoquent les livres ou le travail de libraire ne courent pas les rues, The Bookshop fait donc un peu figure d’ovni dans un paysage cinématographique qui tend à oublier d’où provient son...

le 10 janv. 2019

17 j'aime

33