Python
5.5
Python

livre de Nathalie Azoulai (2024)

Introspection d'écrivain sur l'écriture

Ce récit d'une écrivaine à la découverte du code a la fraîcheur du béotien qui va à la rencontre d'un monde qu'il ne comprend pas où qu'il prétend ne pas saisir. Dans "Python" (P.O.L., 2024), la romancière Nathalie Azoulai s'interroge sur cette langue vivante "qui pourtant ne se parle pas", sur cette révolution graphique et la fascination qu'elle provoque. Que ce soit pour ces jeunes codeurs, absorbés dans leur monde, comme de la puissance de la science sur les lettres. Azoulai multiplie les saillies, les réflexions que lui inspirent ce monde et ces gens. Souvent avec une belle pertinence, comme quand elle pointe que le langage humain semble être devenu secondaire... Cette défaite des lettres sur la science, semble être aussi pour Azoulai, la défaite d'une génération sur une autre. Le code incarne à la fois la jeunesse et le futur. Une autre forme d'art qui ne parle plus qu'aux machines ou un nouveau pouvoir sur le monde, capable de le façonner, de l'exécuter, sans qu'on sache si c'est pour le transformer ou pour le terminer. Coder, c'est comme le contraire de la littérature, puisque c'est tenter d'enlever son ambiguïté au monde, en réduire le sens pour mieux le dominer.


Le livre de Nathalie Azoulai n'est pourtant pas sec comme une page de code, au contraire. L'écrivaine va à la rencontre des jeunes humains de ce monde, tente de les entendre, même si la "daronmancière" semble plus fascinée par la portée érotique de leur jeunesse que par ce qu'ils produisent. C'est peut-être la limite de l'exercice : Azoulai ne parvient pas entrer dans le vide que construit ce monde, que ce soit le flow du codeur, mais plus encore, à regarder la pauvreté de ce que les data assemblent. Leur puissance en reste au niveau du fantasme romantique... Et celui-ci, faute d'avoir percé le code, ne parvient pas à sortir d'une fascination déçue, à l'image de la convocation finale de ChatGPT, bien trop convenue.


Avec sa naïveté feinte à la Xavier de la Porte, elle nous embarque pourtant. Azoulai regarde avec désir le monde qui vient, comme pour assouvir ou retrouver un instant la puissance perdue des lettres. Elle oublie (tout en ne cessant de le montrer) que cette puissance n'est que jeunesse. Qu'elle est aussi feinte que l'a été la puissance des lettres. De la figure du poète à celle du codeur, nous sommes confrontés à un même héroïsme feint, celle d'une puissance à dire le monde, à le réduire, à l'instrumentaliser plus qu'à le libérer.

hubertguillaud
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le 24 févr. 2024

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