Quand le premier roman d'un auteur est un énorme coup de cœur, on attend avec impatience et angoisse son second. Ce fut le cas du "Démon de la colline au loup" de Dimitri Rouchon-Borie. Il revient déjà avec un second roman tiré d'une chronique judiciaire qu'il avait rédige en 2018. Il nous raconte une histoire inspirée de faits réels où moins que la violence, c'est sa banalisation qui choque.
Monsieur Ka, Monsieur Ron et Monsieur Petit sont dans le box des accusés pour répondre d'un acte barbare. L'ennui, la drogue et l'alcool ont eu raison d'eux et les ont fait basculer dans une violence innommable. Maintenant ils doivent répondre de leurs actes, jouer leurs partitions dans le théâtre judiciaire. Le récit alterne entre les échanges prononcés lors du procès et le déroulé de la soirée des faits. Souvent portée par des dialogues, nous revivons les étapes du crime sans temps mort. Le rythme est soutenue et les répliques fusent. La gouaille des trois prévenus lors de cette soirée contraste avec leur sidération lors du procès.
Le roman est très differents du précédent mais il aborde également une histoire de violence. Avec une écriture plus froide, l'auteur nous raconte un fait divers qu'on peine à croire tant il est abjecte. Des hommes paumés deviennent des bourreaux, la brutalité se déverse et se banalise sans qu'aucun ne tentent de stopper l'engrenage. En même temps qu'on découvre leurs actes, nous les entendons lors de leur procès. Ils semblent dénués d'émotions, comme exterieur à eux même. En nous plaçant au plus prés des faits, sans réflexions psychologiques ou sociétales, l'auteur nous met dans une situation inconfortable. Nous sommes face à des hommes en apparence ordinaire mais qui ont commis le pire. Nous sommes dans la peau d'un magistrat.
En plus des témoignages des accusés, l'auteur nous livre l'ambiance du procès, les réactions des differents acteurs présents dans la salle. Nous sommes immergés dans le tribunal, spectateur d'une pièce terrible. Les témoignages se succèdent, parfois cliniques et parfois débordants d'émotions. Le déferlement de violence gratuite relaté nous submerge et nous heurte. Si l'auteur ne propose pas d'analyse les questions nous assaillent néanmoins. Peut on imputer cela à la drogue ? l'alcool ? l'effet de groupe ? le milieu social ? On sort chamboulé de ce livre et touché par le talent de Dimitri Rouchon-Borie qui sait si bien mettre en mots ces vies qu'on ne veut pas voir.

Anaïs_Alexandre
9

Créée

le 13 juil. 2021

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