J'aurais aimé m'enflammer pour ce "Robert Mitchum ne revient pas" qui, sur le papier, avait de quoi être passionnant : un événement historique complexe, un dilemme moral, un contexte particulier fascinant (la vie des snipers)...
Las, à la différence de son collègue Sorj Chalandon, Jean Hatzfeld n'a pas su dépasser ses habitudes d'ancien journaliste pour devenir romancier à part entière - j'entends par là un romancier avec une identité, du style et du souffle.

A l'image de dialogues souvent plats, son écriture ne décolle jamais, reste pragmatique, incapable d'enflammer les sentiments pourtant riches et contradictoires de ses personnages principaux - les secondaires restant souvent cantonnés à des esquisses expéditives ; voir par exemple ces journalistes français, qui apparaissent de temps en temps et semblent presque inutiles, toujours décalés dans le récit, comme inconscients de la violence dans laquelle ils évoluent, de la même manière que nous, lecteurs, avons du mal à percevoir ce climat que Hatzfeld ne parvient pas à rendre vivace.

Le récit fourmille de noms de lieux, de précisions dont le lecteur peine un peu à s'emparer s'il ne connaît pas Sarajevo et ses environs. Néanmoins, cette richesse documentaire constitue l'intérêt majeur d'un roman qui, par ailleurs, se lit facilement et sans déplaisir. On reconnaît la patte du reporter à la minutie avec laquelle il décrit les fusils - éléments évidemment primordiaux de l'histoire -, la pratique des tireurs, et tout ce qui relève du détail.

Mais il manque vraiment quelque chose à ce livre, une âme, une vision romanesque. Ce qui transforme un roman honnête en grand roman. Dommage.
Cannibalecteurs
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le 20 août 2013

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