Les 16 et 17 juillet 1942, la police française raflait plus de 13 000 Juifs en région parisienne. Les faits sont désormais bien connus. En revanche, on ne connait pas très bien les camps de Pithiviers et de Beaune-La-Rolande dans le Loiret, où séjournèrent une partie des raflés, avant qu’on ne les mette dans les wagons à bestiaux à destination d’Auschwitz (certains passant préalablement par Drancy). On se rappelle surtout qu’il fallut à Alain Resnais masquer un képi français des images d’archives du camp de Pithiviers qu’il avait utilisées dans Nuit et brouillard, pour permettre à son film de sortir en salle…


Avant cet ouvrage d’Eric Conan publié en 1991, rien de bien précis n’avait semble-t-il été publié sur ces camps, particulièrement sur ce qu’il s’y était passé durant l’été 1942. Eric Conan est alors journaliste à l’Express, et il commence une enquête pour rédiger un article sur le sujet, article qui eut un grand retentissement et à la suite duquel il reçut de très nombreux témoignages, qui lui permirent de valider certaines de ses hypothèses. Il demanda alors des dérogations pour pouvoir accéder aux archives et finit par proposer cet ouvrage, où il n’indique d’après lui que des informations vérifiées avec rigueur.


L’ouvrage se présente comme une chronique, comprenant de nombreux témoignages. Le récit commence le 19 juillet 1942, avec l’arrivée à Pithiviers d’un premier convoi de Juifs, mais il reprend un peu des témoignages des rafles des jours précédents, durant lesquelles on arrêta plus de 13000 personnes, dont 4000 enfants de 2 à 16 ans, alors qu’Eichmann ne demandait à la France que des Juifs apatrides de 16 à 45 ans…


Dans ces camps, la situation sanitaire est catastrophique, les prisonniers sont entassés dans les baraques, les maladies contagieuses se diffusent. Assez vite, on sépare les familles, car les parents sont mis dans des trains pour Auschwitz. Les séparations sont très brutales.


Le 7 août, on apprend à Paris que les Allemands accèdent à la demande des autorités françaises de déporter les enfants « des Juifs apatrides ». A ce moment-là, il ne reste quasiment que des enfants dans les deux camps, environ 1800 à Pithiviers et 1500 à Beaune-La-Rolande. La plupart sont français mais peu importe. Les témoignages sont insupportables, les enfants sont livrés à eux-mêmes, la plupart sont malades, sans parler des rats, des poux et insectes divers. Très peu de personnes sont affectées pour les aider, mais Eric Conan a pu obtenir et nous transmettre dans l’ouvrage des témoignages très précis qui montrent à la fois la réalité du "séjour" des enfants dans ce cas, et l'impossibilité pour les infirmières, par exemple, de faire leur travail correctement.


Les gendarmes font ce qu’on leur demande, mais c’est très difficile pour certains. On dit aux enfants qu’ils vont retrouver leurs parents, mais la plupart des observateurs se doutent bien qu’il ne s’agit pas de les envoyer en Allemagne pour les faire travailler…


Au final, à quelques rares exceptions, les 3500 enfants de la rafle du Vel d’Hiv ont fait partie des convois pour Auschwitz, la majorité sans leurs parents. Plus de 3000 étaient de nationalité française. A Auschwitz, tous furent gazés.


Quoique sa lecture soit un peu laborieuse du fait qu’il se présente sous la forme d’une chronique, cet ouvrage est très intéressant : il rapporte des témoignages très précis, Eric Conan évitant toute analyse ou jugement. On a là une page de notre histoire qu’il ne faut pas oublier et que ce journaliste a eu le mérite de rapporter.

socrate
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le 17 juil. 2020

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