Quant on lit un Brussolo, on se retrouve toujours devant un raz de marée d'idées intrigantes, de thèmes intéressants, à tel point que juste en regardant le synopsis j'ai toujours l'impression d'avoir lu trois cent pages.
Il tape vraiment fort dans le prologue, en nous plongeant dans la tête d'un architecte qui tente à tout prix de protéger sa femme écrivain pour enfant qui vit dans un conte de fée au beau milieu d'un quartier dangereux des états-unis. Et qui va échouer, pour la retrouver morte dans de la manière la plus atroce qui soit (les cambrioleurs responsables sont soit de vrais barjots irrécupérables, soit des gens très sales, je vois pas d'autres solutions...) à vous retourner l'estomac, et il va décider de créer un paradis de haute sécurité, pour ne garder que des gens sains ou effrayés par la violence des villes. Où rien ne pourrait les atteindre.
J'imaginais déjà la suite, un conte sur le voyeurisme et l'illusion de la sécurité où il aurait vu son utopie s'effondrer de l'intérieur, mais déjà première surprise: cet architecte, Ernst Noman, n'est pas le personnage principal. On suit un écrivain baroudeur auteur de romans d'aventure qui se retrouve à débarquer dans le pour y retrouver une collègue disparue et écrire sur le millionnaire excentrique.
Et ce n'est pas un roman sur l'effondrement d'une utopie mais sur la folie, et la puissances des sectes sur les désespérés, avec le lot de personnages bizarres typique de chez Brussolo: des "survivalistes" qui s'entraînent à la survie en plein désert en prévision de l'apocalypse, un mystérieux ninja qui enlève des gens en jaillissant des tempêtes de sable, et bien d'autres qui se retrouvent liés à la forteresse de Noman, absolument inaccessible une fois fermée, mais dans laquelle il se passe de drôles de trucs...
C'est dommage que Brussolo ne s'attarde pas sur le voyeurisme et les caméras, y'a un dialogue très intéressant où l'écrivain découvre les gens qui payent pour être filmés et surveillés continuellement et qui souvent parlent aux caméras sans qu'on ne le réponde jamais, comme pour se rassurer. Y'avait plein de trucs à dire et à faire avec cette base mais je suis resté sur ma faim. Par contre de ce que j'ai lu c'est peut-être ce qu'il a écrit de plus violent, il s'est vraiment lâché. Le coup des épingles est carrément douloureux.
Et comme d'habitude aussi on a un bâtiment architecturalement dingue, il le fait souvent très bien (le collège sur la falaise de La Nuit du Bombardier) mais aussi parfois avec un choix d'adjectifs discutable (l'hôtel "en forme de chou-fleur" de L'enfer c'est à quel étage ? perso je cherche toujours).
Là c'est pas mal, une forteresse en forme de rose des sables toute en matériaux militaires indestructibles en plein milieu du Mojave, avec des chambres résidentielles tellement automatisées et semblables que dormir dedans sans inquiétude est impossible pour quelqu'un de sain d'esprit.
L'enquête réserve pas mal de surprise, ça se lit vite et facilement pour se terminer de façon un peu brusque et décevante, y'avait tellement à faire avec un tel sujet. Mais c'est sympa.