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Sixième et dernier volume de l'intégrale des nouvelles de Jean-Claude Dunyach, « Séparations » clôture cette merveilleuse idée qu'ont eu les éditions de l'Atalante, maison d'édition nantaise fort attachante. Publier une intégrale permet de suivre l'évolution d'un auteur tant du point du vue du style que des thèmes abordés. Cela a aussi l'avantage de fidéliser le lecteur. Je sais Dick m'a déjà fait ca aussi. Jean-Claude Dunyach est un de nos meilleurs nouvellistes, preuve en sont ses nombreuses nouvelles traduites et parues à l'étranger.

Face à la science-fiction anglo-saxonne, la vieille Europe a encore du répondant. Comme nous l'évoquions en mai 2008, il y a encore moyen de ne point abdiquer, ne serait-ce qu'en ayant le courage – mais peut-on encore parler de courage à ce niveau ? – de donner à ses héros des patronymes locaux et non point du John, Sean etc... Le genre nouvelle, en SF, s'est vu mettre peu à peu de côté ces dernières années au profit du format roman. Pourtant, ce sont bien, par exemple, les petits textes d'Asimov – pour ne citer que lui – qui paraissaient dans différentes revues – vraiment très différentes les revues ;o) – qui ont touché le lectorat et l'ont amené à s'intéresser à la SF. Il faut reconnaître que les exigences de ce format aurait du en assurer la pérennité. Peut-être est-ce la faute des auteurs qui se sont trop souvent détournés de la nouvelle ?

Pour Jean-Claude Dunyach, il n'en est rien. Il l'a passé du statut de format à celui d'art. Et quel art ! Et puis Jean-Claude ne se limite pas à la SF car il sait aussi nous conter les choses sur bien d'autres registres. C'est à regret, donc, que je lis ces sept dernières nouvelles qui nous offre des visions à la fois poétiques et techniques, romantiques et scientifiques, humaines et robotisées. Un mélange intelligent de saveurs cuisinées avec passion et qui nous offre une littérature majuscule comme on aimerait en lire plus souvent.

Dans « Séparations », le commandant d'un vaisseau spatial se voit contraint de supporter un chorégraphe arrogant et richissime. En effet, l'odieux personnage a obtenu le privilège de ne pas faire le voyage en hibernation. Il n'a qu'un seul désir : assister au ballet des intelligences artificielles qui manœuvrent le vaisseau. Pour le commandant le voyage promet d'être fastidieux, à moins que le prix à payer ne soit plus exorbitant qu'il n'y paraît. C'est avec un relent d'étrangeté qu'on sort de cette lecture. « La ronde de nuit », nous laisse d'abord à penser qu'on se trouve dans une société totalitaire où le couvre-feu ne saurait être transgressé. En fait, peu à peu, le lecteur découvre que ce monde est bien pire qu'il n'y paraît. Peut-être la soumission active des citoyens y est pour beaucoup. Un texte ni trop précis ni trop vague qui permet au lecteur de percevoir ce monde qui pourrait, peut être, qui sait...

Comme le disait un grand écrivain – Ayerdahl, je crois – « On est écrivain avant que d'être d'un genre ». Quittant la SF, Jean-Claude nous amène du côté de la fantasy avec « Une place pour chaque chose ». Quand on est un comptable troll et que les mineurs nains de l'exploitation pour laquelle vous accuse d'écraser les licornes, il est alors temps d'aller demander des explications aux sorciers des ressources humaines. Une histoire hilarante pleine de clins d'yeux – ca se dit ? – désopilants tant au genre qu'au monde cruel et inégalitaire de l'entreprise. « La chevelure du saule » nous fait passer dans une fantasy tirant sur le fantastique – mais pourquoi toujours chercher à classer les œuvres ? – avec un meunier qui recrute un mystérieux inconnu pour le débarrasser d'un saule enchanté qui l'empêche de construire son moulin. Les secrets se dévoilent progressivement dans ce bien étrange conte fantastique.

Tout commence par une alarme dans « Trajectoire de chair ». En effet, Sys est seul sur sa partie d'astéroïde et il serait bien dommage qu'un choc avec des objets spatiaux vienne à détruire l'élevage d'intelligence artificielle qu'il surveille. Un texte classique où il est question des relations entre créateur et créature et surtout de ce pas redouté vers l'indépendance. « Libellules » nous montre un monde en guerre où des factions s'affronte. Les libellules ont bien changées et servent un camp, à moins que ce ne soient leurs propres intérêts.

« Le jour où Dorian fit don de son pénis au musée de la ville, j'étais seul à l'accompagner... » Ainsi commence « Autoportrait ». Quand la célébrité cède peu à peu le pas à l'anonymat, certains, parfois, tentent de durer malgré tout. C'est le cas de Dorian qui va emmener avec lui le narrateur dans un étrange musée relevant plus du labyrinthe que du lieu de culture tel qu'on l'entend. C'est un mythe moderne que nous propose ici Jean-Claude Dunyach. Un mythe traitant de l'apparence et de l'éternité – que dis-je ? – de la postérité.

En lisant ce recueil, vous passerez un bon moment. Vous lirez sur différentes tonalités les mondes imaginés par Jean-Claude Dunyach. C'est à un petit résumé de son talent qu'il nous convie ici. Avec poésie, gentillesse et talent, il clôt – momentanément, je l'espère – cette intégrale pleine de petites merveilles dont l'Atalante s'est fait l'écrin délicieusement illustré par Gilles Francescano.
Bobkill
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le 13 nov. 2010

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