Jetez ces mobiles qui nuisent à votre porte-monnaie et ruinent votre santé

Avant de parler de ce livre, je voudrais évoquer un souvenir tenace. Je ne pourrai jamais décrire le malaise que j'ai ressenti, il y a quelques années, à l'annonce du suicide d'Achille Zavatta. C'était un clown, le plus grand clown français, mais sa mort a été un choc pour moi. Elle a éveillé un peu de conscience en moi et, depuis, je sais qu'un monde où les clowns se suicident est un monde foncièrement pourri. Je hais le politiquement correct sans pour autant mépriser les convenances. Aussi, quand un humoriste se propose de parler de choses graves avec humour et poésie, je suis profondément touché car je sais que, lui, va parler avec son cœur. C'est le cas ici et c'est un grand bonheur que de lire ce roman.

Rufus est un humoriste. Je préfère le terme d'humoriste à celui de comique car ce dernier me fait plutôt penser à ces amuseurs de peuple qui les distraient, dans l'insouciance, alors que les bouchers qui les dirigent affutent leurs coutelas tout en préparant les guerres futures. L'humoriste à le regard et l'exprime alors que le comique n'est là que pour tisser une toile d'illusion dans les esprits. L'humoriste est du présent, participe du peuple et se doit d'être polémiste. Il révèle au spectateur le monde tout en le parant de ses couleurs, en cela il est tout à la fois artiste et citoyen.

Rufus est un humoriste que je qualifierais de lunaire. Il est d'ici et d'ailleurs. Si, comme moi, vous aimez le cinéma de Jeunet et de Caro, vous n'avez pu l'oublier dans ses rôles d'accordeur de boîte à meuh dans « Delicatessen » ou du père d' « Amélie Poulain », l'homme au nain de jardin. Ces rôles correspondent au personnage. Poétique et vivant. Bien sûr, il a tourné dans bien d'autres productions mais ce sont celles que je préfère. Actuellement il tourne dans toute la France avec son dernier spectacle « Rufus joue les fantaisistes » où il reprend les succès d'autres humoristes de Palmade à Dupontel en passant par Villeret et bien d'autres. Il y apporte ce petit supplément d'âme qui lui est propre et qui en fait un être si attachant. Il a d'autres cordes à son arc : il est aussi scenariste, dialoguiste et parolier. Ici, je me propose de vous faire découvrir l'écrivain au travers de ce petit bijou intitulé « Si Dieu meurt, je ne lui survivrai pas ».

Le héros s'appelle Charles Tuparles. Il est assureur et fait son travail avec le cynisme propre à cette profession. Quelques années plus tôt, il est parti au Kosovo comme volontaire, histoire de vider des chargeurs sur quelques belligérants. Cette expérience l'a marqué, comme toute guerre marque à jamais ceux qui la vivent, mais la guerre ne nourrit pas son homme surtout quand il n'est qu'au rang de chair à canon, l'assurance lui a alors tendu les bras. Et il est doué, le bougre.

Il travaille pour une grande société d'assurance – vous verrez qu'il a, tout au long de ce roman, donné des noms fantaisistes à des sociétés ou des personnalités existantes, mais il est assez facile de leur rendre leur vraie identité – et il cherche quelque opportunité de gain facile. L'idée naît quand il lit dans les colonnes du « Monde » un certain Mattei, plus connu comme étant le type en polo qui faisait ses brochettes au fond de son jardin alors que la France subissait un petit coup de chaud en août 2003, déclarant qu'il n'y avait pas de problème avec les téléphones mobiles. Reprenant l'adage de l'assurance – les assurances ne couvrent pas de risques quand il n'y a pas de risques – il décide de prendre le créneau de l'assurance du risque de la téléphonie mobile espérant un gain maximum pour un risque quasi-nul.

Mais il convient de ne pas perdre d'argent non plus, alors il décide de s'assurer qu'il n'y a réellement pas de risques. Il commencera donc une enquête. Il va découvrir que, tout comme les productions en amiante, les sociétés de téléphonie mobile ne sont pas assurées par la Lloyd's, que les parents d'élèves de Saint-Cyr-l'Ecole se sont battus pour qu'un relais pour mobiles soit retiré de la proximité d'une école primaire après que 3 enfants ne soient atteints d'un cancer extrêmement rare. Devant le silence de nombreux média, il plonge dans ce qui s'avère être un des grands crimes de notre société de consommation.

Ecrit avec humour et poésie, ce roman se lit avec plaisir mais aussi avec une haine grandissante car la plupart des faits qui y sont énoncés... se sont réellement passés. Un crime est en cours. Il n'est pas le seul. Il y a des OGM, des centrales nucléaires qui dépassent leur date de péremption, des pollueurs lobbyistes et tant d'autres saloperies qu'on nous prépare. Rufus n'apporte pas de solution, il constate et nous dit joliment des choses bien détestables à savoir. Un roman salutaire et donc indispensable.
Bobkill
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le 24 déc. 2010

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