Soleil amer
7.3
Soleil amer

livre de Lilia Hassaine (2021)

La guerre d’Algérie et ses conséquences reste encore un sujet tabou dans bien des ocasions. C’est par les arts que j’en ai compris les enjeux et les plaies encore à vif. Théatre, cinéma ou littérature portent cette mémoire avec force. Le nouveau roman de Lilia Hassaine nous propose de suivre une famille d’immigrés algériens sur trois décennies. Une lecture percutante et intense.


Naja élève seule ses enfants en Algérie pendant que son mari Saïd travaille dans une usine automobile en France. Quelques années plus tard, il réussit à faire venir sa famille et ils s’installent en région parisienne. Ils arrivent au début des années 60 dans des cités HLM flambant neuf où se côtoient toutes les classes sociales. Naja, Saïd et leurs enfants vont tenter de s’intégrer dans la société française méfiante tout en conservant leurs traditions.


Le tiraillement entre la volonté de s’intégrer tout en conservant son identité traverse tout le roman. Saïd fait subir à sa famille son inconfort tandis que son frère choisit d’adopter un mode de vie occidental. Chacun vit son déracinement à sa façon. Le roman est porté par de sublimes portraits de femmes. Entre Naja, ses filles et sa belle sœur, un panel de destins s’offre à nous. La majorité des scènes se passent entre femmes. Il y a beaucoup de solidarité entre les femmes de l’immeuble mais un gouffre entre Naja et ses filles qui ne cesse de se creuser. Grandir tiraillé entre deux cultures est difficile, surtout quand on est une femme. Les générations peinent à se comprendre surtout quand règne sur la famille un secret qui menace de resurgir.



D’un côté il se disait fier de ses origines et de sa culture, de l’autre il espérait se fondre dans le paysage français. D’un côté il désirait rentrer au bled, de l’autre il rêvait que ses enfants s’intègrent. Il oscillait entre deux pays, entre deux projets, et élevait ses enfants dans la même dualité. La dualité comme identité, c’était déjà une contradiction, il n’existait pas de mots pour dire » un et deux » à la fois.



Le roman est aussi le portrait d’une époque de désillusion où le rêve de la mixité sociale s’effrite et où le racisme gangrène les rapports. A cela s’ajoute le poids d’un secret de famille et la difficulté à faire coexister ses traditions avec celle de son nouveau pays. Beaucoup de sujets forts importants traversent ce roman et l’autrice les traite avec beaucoup de justesse et de sensibilité. J’ai été profondément touchée par cette histoire et notamment par les personnages féminins. Je me suis laissée porter par l’écriture pleine de chaleur de d’émotion de l’autrice.


En cent cinquante page, Lilia Hassaine nous raconte trois décennies qui vont tout changer. Elle réussit le tour de force de nous offrir tracer le destin poignant d’une famille en peu de pages. L’essentiel est dit, l’émotion est à fleur de page. Un roman à découvrir !

Anaïs_Alexandre
9

Créée

le 26 déc. 2021

Critique lue 411 fois

Critique lue 411 fois

D'autres avis sur Soleil amer

Soleil amer
Cannetille
7

De l'Algérie à la banlieue parisienne

Lorsqu’au début des années soixante, Naja quitte l’Algérie avec ses trois filles pour rejoindre son mari Saïd, ouvrier dans l’industrie automobile, son arrivée en France est un désenchantement. Leurs...

le 8 janv. 2022

1 j'aime

Soleil amer
YasminaBehagle
3

Meh

Avis : Déception. J'avais feuilleté il y a quelques temps l'Oeil du paon, son premier roman, il m'avait paru pas mal. Mais celui-ci… Je me demande ce qu'il fait chez Gallimard (quoique, ils me...

le 9 sept. 2021

1 j'aime

Soleil amer
Anormalienne
8

Chronique humoristique visant à dénoncer le manque de diversité des Grandes Ecoles (PAS 1er degré)

Ce livre emprunte son titre à un poème de Rimbaud, le très connu Bateau ivre dont je ne connais personnellement pas un vers. C’est très à la mode de faire ça (et je compte en faire de même pour mon...

le 13 juin 2022

Du même critique

Pastorale américaine
Anaïs_Alexandre
9

Critique de Pastorale américaine par Anaïs Alexandre

L'histoire nous est racontée par Nathan Zuckerman. Il s'agit d'un narrateur récurrent des romans de Philip Roth, un écrivain solitaire et observateur de ses condisciples. Celui-ci retrouve Seymour...

le 13 mai 2018

9 j'aime

1

Va et poste une sentinelle
Anaïs_Alexandre
10

"Je t'ai tuée, Scout. Il le fallait !"

Comme beaucoup je garde un souvenir impérissable de ma lecture de Ne tirer pas sur l'oiseau moqueur. Le personnage de Scout fait partie de ceux qui m'accompagnent encore et se rappelle à moi...

le 19 oct. 2015

7 j'aime

Steak Machine
Anaïs_Alexandre
9

"Les abattoirs créent des handicapés."

Geoffrey Le Guilcher est journaliste indépendant et s'est intéressé aux abattoirs suite aux vidéos publiées par l'association L214. Face à ces actes de maltraitance animal, il s'est demandé qui...

le 7 févr. 2017

6 j'aime