Spin
7.7
Spin

livre de Robert Charles Wilson (2005)

Pour tout dire, ce sont les nombreuses critiques extrêmement favorables à l’ouvrage et le ruban rouge rendant compte du fait que Spin ait été l’heureux gagnant des Grand prix de l’Imaginaire en 2008 et du prestigieux prix Hugo en 2006, qui attirèrent l’attention du lecteur passionné de SF que je suis. Et je ne fus pas déçu. Il faut dire qu’on est très rarement déçu d’un prix Hugo, mais tout de même.

Du haut de ses 608 pages, le roman nous transporte dans « un futur lointain qui reste familier », dixit le quatrième de couverture. A dire vrai, si elle m’est bien apparue étrangement familière, l’Amérique de Wilson m’a retourné l’estomac précisément parce qu’elle m’a paru toute proche de nous. Une fois le livre fermé, on se met à y penser sincèrement, et si jamais... Et si jamais ça nous arrivait. Le réalisme de l’ouvrage nous tient en haleine, longtemps. Un peu trop longtemps, peut-être, car si aucun des passages de cette réussite de la SF contemporaine n’est à « jeter », on est parfois pris dans un sous-récit sans lien direct avec la trame principale. C’est là que Wilson travaille le plus la personnalité des ses personnages. Et, étrangement, ce n’est pas sur Tyler, le héros principal, qu’on en apprend le plus. Ce dernier apparaît même fort effacé malgré les longues descriptions de ses aventures.

Comme je l'ai dit, Spin se caractérise par son réalisme saisissant. Ce n’est effectivement pas dans ses pages qu’on trouvera du tir de canon laser et des hyper-vaisseaux chers au Space Opéra. Non, Spin fait vrai. Les ingrédients de cela ? A mon avis, une maturation de plusieurs années, des références scientifiques solides, un background littéraire de quelques bons ouvrages (Darwinia, BIOS, Mysterium, ...), des études approfondies sur le sujet, et surtout, l’imagination d’un des plus grands maîtres de la science-fiction moderne.

Bref, il ne fait aucun doute que Spin est une réelle réussite. Cependant, l’un des grands bémols du livre est à mon sens la longueur de certains passages. Autant prévenir le lecteur tout de suite : il faut s’attendre à lire un bouquin de SF mais aussi une amitié, une histoire d’amour, le contexte familial d’américains, l’organisation du monde au seuil d’une catastrophe globale, les relations entre la Terre et l’Extérieur, ... Ce n’est pas que la SF en général fait fi de la famille de son héros, qu’elle évince volontiers le réalisme ambiant d’une situation, ou qu’elle évite volontairement les descriptions réalistes au profit d’une description fictive à outrance. Mais rares sont les bouquins de SF où, par moment, on se demande si on est bien en train d'en lire, de la SF. Puisque le récit se veut complet, Wilson a jugé bon d’évoquer à peu près tous les paramètres de vie de Tyler Dupree. Et c’est réussi. Car, paradoxalement, c’est aussi la force du livre. C’est le fait de ne pas évoquer l’inimaginable à chaque page qui rend la narration si réelle. Wilson nous offre des personnages possibles, proches de nous et éminemment humains pour un livre de science-fiction. Pourquoi bémol, alors ? On aime ou on n’aime pas. Moi, j’ai aimé. Mais vous l’aurez compris, ne lisez pas Spin si vous entrez dans le monde de la SF pour rencontrer d’extravagants extraterrestres ou une contamination globale rendant les gens capables de se dédoubler. Il reste à souligner qu'on est pas dans un récit de Space Op', mais bien dans le domaine de la Hard Science qui, par définition, se veut réaliste.

Le roman se conclut, nous ne dirons pas sur quoi précisément, par une thèse scientifique rendant « possible » le phénomène par la magie de la fiction. Si je pense que l’idée est facilement acquise par tout lecteur, faut-il être biologiste pour bien saisir toutes les nuances en profondeur ? En tout cas, une fois encore, la démonstration fait vraie.

Sur le plan grammatical, Wilson combine simplicité et rigueur qui rendent un livre agréable à lire sur tous les plans. Sa prose est belle, quoique parfois minimaliste, excepté sur le plan scientifique.

On peut donc dire que Spin est une réussite qui brille par sa profondeur, tant sur le fond que la forme. Et on est confronté à une dure réalité vécue par des individus auxquels on s’identifie sincèrement, tant leurs soucis, leurs manières d’être et leur société sont proches des nôtres... Ce n’est néanmoins pas dans Spin qu’on voyagera à travers les étoiles. Un réalisme qui fait parfois du bien à la SF moderne, à l’heure où le Space Opera nous sert des aventures remixées à toutes les sauces dont on est parfois bien fatigué.
Biohazardboy
9
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le 8 août 2012

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Biohazardboy

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