Sylvie
7.2
Sylvie

livre de Gérard de Nerval (1853)

J'ai lu ce livre il y a déjà 3 ans, et j'entends encore le souffle chaud du monde froid de Nerval embaumer mon coeur.

"Sylvie" apparut dans ma vie quand tout encore pouvait changer ma voie : le début de l'hypokhâgne, la première rupture amoureuse, la découverte de l'inconnu et - de ce fait - de soi.

Les conditions de lecture m'offrirent toutes les conditions pour que le texte me marquât. C'est le cas.

Dans cette nouvelle, le narrateur évoque avec nostalgie ses amours perdues dans un décor romantique. Enfants d'une parenthèse révolutionnaire, le héros et ses chimères féminines errent dans cette "époque étrange" et la brume du Valois.

Le Valois, c'est typiquement un pays qui sait me cibler. De prime abord peu attractive, il conserve un charme étanche aussi hermétique que la métaphysique de Swedenborg, que la pensée de Hölderlin ou que la signification des Chimères de Nerval... S'il manque de massifs et de soleil, le Valois abrite des merveilles architecturales en ruine, des bâtisses de "millionaires philosophes" et des décors bucoliques à en faire rougir Watteau. Nerval pointe du doigt ce charme romantique et l'exalte de sa plume.


"Cet édifice inachevé n'est déjà plus qu'une ruine, le lierre le festonne avec grâce, la ronce envahit les marches disjointes. Là, tout enfant, j'ai vu des fêtes où les jeunes filles vêtues de blanc venaient recevoir des prix d'étude et de sagesse. Où sont les buissons de roses qui entouraient la colline ? L'églantier et le framboisier en cachent les derniers plants, qui retournent à l'état sauvage."


Le narrateur ne peut s'empêcher de jeter ses yeux en arrière, de se promener à reculons, de rêver ce rêve de revenir à l'âge des innocents, des danses naïves où toutes les filles sont aimables, où toutes les filles sont à aimer. Dans ce mouvement spatio-temporel, où concordent les rêveries et les promenades, Nerval invite le lecteur à penser, à bouger, dans le monde qui l'environne.

Les légendes, les chansons, les fêtes, les traditions... Si rien de tout cela parle encore au lecteur d'aujourd'hui, Nerval nous donne le sentiment de les avoir toutes vécues à l'enfance. C'est en refermant ce livre que la mélancolie m'anima : n'aurais-je donc pas assez profité de mon enfance ?

Je conclurais en ajoutant que "Sylvie" contient des phrases si mémorables, si douces à l'oreille, si mélodieuses qu'il me paraît toujours inconcevable de ne pas sentir monter l'âme créatrice à la lecture de quelques lignes...


"Nous vivions alors dans une époque étrange, comme celles qui d'ordinaire succèdent aux révolutions ou aux abaissements des grands règnes. [...] C'était un mélange d'activité, d'hésitation et de paresse, d'utopies brillantes, d'aspirations philosophiques ou religieuses, d'enthousiasmes vagues, mêlés de certains instincits de renaissance ; d'ennuis des discordes passées, d'espoirs incertains, quelque chose comme l'époque des Pérégrinus et d'Apulée."

"Parfois nous rencontrions sous nos pas les pervenches si chères à Rousseau, ouvrant leurs corolles bleues parmi ces longs rameaux de feuilles accouplées, lianes modestes qui arrêtaient les pieds furtifs de ma compagne."

"Telles sont les chimères qui charmes et égarent au matin de la vie. J'ai essayé de les fixer sans beaucoup d'ordre, mais bien des coeurs me comprendront."

KoaLarose
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le 15 janv. 2024

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