Tangvald
6.9
Tangvald

livre de Olivier Kemeid ()

Lorsqu’on parcourt les biographies des grands navigateurs solitaires, le nom de Peter Tangvald est très souvent absent. C’est cependant un marin bien connu de la communauté nautique. Il ne fait pas partie de ces coureurs des mers comme Eric Tabarly, Alain Colas, Loïc Caradec ou Peter Black- la compétition, il n’en n’a rien à faire – mais appartient plutôt à cette famille de circumnavigateurs, vagabonds des mers du Sud, façon Alain Bombard, Bernard Moitessier, Vito Dumas ou Alain Gerbauld. Mais, hélas, c’est avec les premiers qu’il partagera le triste privilège de mourir en mer. Peter Tangvald a écrit deux autobiographies et ses aventures ont été reprises dans bien des revues nautiques. C’est que si l’homme n’est pas ordinaire, le marin l’est encore moins. Faire plusieurs fois le tour du monde sur un bateau qui ne possédait ni radio, ni moteur, ni radar, ni balise de détresse, ni rien du confort qu’on pouvait trouver, même modestement, à bord, relève de l’audace absolue ou de l’inconscience pure. Les deux se côtoient d’ailleurs souvent. L’affaire devient plus incertaine lorsqu’on navigue avec femme et enfant.
Errant de rivage en rivage à la recherche d’une invisible Ithaque, cet Ulysse moderne, fidèle à aucune Pénélope, naviguera pendant près de trente ans avec huit femmes successives. C’est par ce biais, peu courant, que l’auteur, qui a côtoyé le marin, aborde d’ailleurs cette biographie. Tangvald a vécu avec huit femmes, il y aura donc huit chapitres.
On peut dire de Peter Tangvald qu’il était un homme en profonde inadéquation avec le monde qui l’entoure et le système social qui le régit. Sa vie fut un exil permanent, ou peut-être une fuite perpétuelle, rien n’est dit. Refusant toute concession à la terre, il sillonnera les sept mers du globe par tous les temps et vivra des aventures si insensées qu’on pourrait douter de leur véracité. Mais l’auteur nous rassure.
Mais la liberté a un prix et Tangvald l’a chèrement payé : de la vie de deux de ses épouses et de la sienne, en même temps que celle de sa fille de 7 ans, Petite Carmen. Son fils Thomas, seul survivant de l’ultime naufrage périra, à son tour, quelques années plus tard, en mer, comme si celle-ci en voulait encore à son père d’avoir pris, avec la vie, autant de libertés.
Le livre est bien documenté mais je ne sais quelle part a apporté l’auteur par rapport aux deux ouvrages de Tangvald, que je n’ai pas lus. L’écriture est souple, nerveuse et sait se faire tendre lorsque la nature de Tangvald se laisse un peu aller. Olivier Kemeid ne juge pas son héros, même dans les moments où il se montrera cruel, voire odieux (en quittant Simone pour une jeune fille mineure ) ou lorsqu’il se montrera, à maintes fois, moins courageux qu’une de ses épouses. L’auteur se contente de relater des faits en tâchant souvent de lui trouver des circonstances atténuantes. On sent d’ailleurs qu’il a pour le marin une profonde affection et un vrai respect.
Bien que l’ouvrage soit bien écrit, il comporte néanmoins une singularité qui, au début, agace énormément. Puis on s’y fait. C’est que l’auteur, voulant sans doute adhérer, à sa façon, à la démesure du personnage qu’il nous décrit, se lance dans des phrases titanesques, à la façon de Marcel Proust. J’ai relevé que la plus longue faisait 62 lignes ! Mais heureusement pour le lecteur, l’écriture d'Olivier Kemeid est moins absconse que celle de Proust.

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le 20 sept. 2017

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