Mine de rien, cela fait quelques mois que je me penche sur les prix Goncourt, dont « Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon » est actuellement le dernier représentant. Un vainqueur assez atypique, aussi bien par son histoire que son écriture. Ravi d'ailleurs de découvrir que la plume de Jean-Paul Dubois, que je connaissais surtout à travers ses adaptations cinématographiques (« La Nouvelle Vie de Paul Sneijder », « Le Fils de Jean ») me parle autant, dans son style économe mais précis et surtout l'infinie tendresse qu'il a pour nombre de ses personnages, presque chaque page étant imprégnée d'une douceur profondément touchante.
Il n'en fait jamais trop, rentre assez peu dans les descriptions ou juste ce qu'il faut pour caractériser les situations, les décors, le récit et, bien sûr, les protagonistes, au point de me faire d'arriver aussi tôt à la dernière tant j'aurais aimé partager plus de temps avec eux. C'est probablement ce qui est le plus réussi, ici : le héros, aussi attachant soit-il, apparaît presque comme un témoin laissant la place à ceux ayant eu une grande importance dans sa vie :
son père, son ami Kieran Read, sa femme, sa chienne (toutes deux apparaissant assez tard),
pour ne citer qu'eux.
Mais celui qui marque les esprits au point d'en être inoubliable, c'est son compagnon de cellule, Patrick Horton. Au-delà de son incroyable potentiel comique, ce dernier, par sa personnalité, ses répliques, sa vision ô combien personnelle des choses et de la vie en général, offre régulièrement ses meilleurs moments à un roman en comptant pourtant pas mal.
Le choix de la première personne pour la narration s'avère également très pertinente, nous permettant de nous sentir au plus près des événements, cette alternance entre présent et passé apparaissant d'une grande fluidité, Dubois parvenant jusqu'au bout à maintenir le suspense concernant la raison de l'incarcération de son héros sans jamais apparaître opportuniste tant nous prenons constamment plaisir à découvrir son parcours, à la fois intimiste et populaire (oui, c'est possible!), à travers lequel nous pouvons totalement nous reconnaître.
Aussi humble qu'humain, simple sans être simpliste, « Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon » n'a, certes, pas la puissance dramatique ou le brio d'un « Au revoir là-haut », mais qu'une œuvre comme celle-ci puisse recevoir le plus prestigieux prix français, je trouve ça assez rassurant, voire vraiment réconfortant. Belle réussite.