« Trois chambres à Manhattan » (1946) est le 76e roman (sur 192), écrit, à 43 ans, à Sainte-Marguerite-du-lac-Masson (dans les Laurentides, au Québec), par Georges Simenon (1903-1989). C’est le 50e de ses « romans durs » (sur 117, c’est-à-dire sans Maigret, héros de 75 autres romans). Il a fait l’objet d’une adaptation cinématographique (1965) par Marcel Carné (1906-1996) avec Annie Girardot (1931-2011) et Maurice Ronet (1927-1983). Comme souvent dans les romans durs de Simenon, il y a peu d’action, l’écrivain se focalisant sur l’évolution psychologique des personnages. Ici, François Combe, 48 ans, Parisien, comédien et acteur connu, marié depuis 17 ans à une actrice, Marie Clairois (de son vrai nom, Thérèse Boucicaut), mère de ses 2 enfants et qui vient de le quitter pour un acteur âgé de 21 ans et qu’il n’aime plus, et Kathleen Miller dite Kay, 32 ans, divorcée du comte hongrois Jean Larski qu’elle a épousé à 19 ans et avec qui elle a eu une fille, Michèle, qui vit, théoriquement, chez sa belle-sœur en Hongrie. On retrouve le thème récurrent de Simenon, celui de la solitude des êtres [cf. « Au bout du rouleau » (1947) ou « Les fiançailles de M. Hire » (1933)], avec une fine description psychologique (ambivalence de François qui, au début, « n’aime pas Kay mais souhaite rester avec elle, par résignation, ne la trouvant ni belle, ni séduisante, ni jeune et pensant qu’elle ment par déformation, par exagération ou par omission »), illustrée, notamment, par des divagations, souvent nocturnes dans New York (entre l’appartement de François, celui de Jessie, qui hébergea Kay, et l’hôtel Lotus) en octobre. L’addiction à l’alcool [également récurrent, comme dans « Le fond de la bouteille » (1948)] est bien présente [par la fréquentation des bars par François et Kay où ils consomment le cocktail Manhattan (whisky + vermouth rouge + liqueur amère)]. Kay fait penser à Betty dans le roman éponyme (1961) avec ses rencontres sexuelles. Malheureusement, le roman est un peu « gâché », au bout de 140 pages, par l’irruption de la maladie de Michèle, opérée à Mexico et à l’origine de la séparation temporaire de François et Kay (qui part rejoindre sa fille) : l’histoire devient banale voire mièvre [notamment la lettre (10 pages !) de Kay à François, au chapitre 9, à la 162e page] qui détonne dans un roman de Simenon où noirceur et pessimisme sont plus habituels.


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