Certains passages, sur Matisse, sur Proust, sur Paris aux figures trempées de sperme et de sève, bouleversent la vision qu'on a pu avoir précédemment du narrateur, à la parole sale et directe, qui confond vivre et baiser. A ce moment, on renverse la vapeur, le narrateur dévoile une sensibilité qu'on commençait à lui discuter, et ça rétroagit sur toutes les conversations qu'on avait pu percevoir comme insipides, ça donne envie de le bercer, Miller, de lui dire que tout va bien, qu'il a pas à s'en faire, qu'il n'a qu'à parler de Proust et de Matisse et qu'il pourra s'endormir sur la poitrine du lecteur, apaisé, rêvant de baise autant qu'il veut maintenant qu'on a vu ce qu'il avait au fond de la tête et du cœur, dans la lumière des entrailles.

Pour le reste, c'est une succession de poules françaises et d'exclamations vaines. Ca m'a franchement ennuyé sur la fin. Sa définition de la lâcheté (rêver de son petit pays, de son foyer, d'y retourner) m'a gêné, non parce que je la trouverais fausse (pas du tout), mais parce qu'il ne faudrait pas qu'il nous fasse croire que sa vie à Paris c'est du courage. Voilà, ils essaient de vivre mais ils s'y prennent terriblement mal, pour se défaire de la société ils passent leur temps à défaire leur caleçon, c'est un bon début mais c'est dramatiquement insuffisant.

J'aurai surement un jugement plus conciliant la fois où je le relirai. Je suis assez sévère dans mon jugement mais j'en attendais beaucoup, en fait.
Rasp
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le 23 janv. 2012

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