Quand la Révolution s'enlise, Louisette fait tourner les têtes. Accompagnée de son acolyte Sanson, la guillotine a rasé de près bien des citoyens lors de la Terreur.


C'est dans cette période sombre mais passionnante que F.-H. Deserable a choisi de planter sa plume.
Plusieurs portraits d'illustres condamnés s'enchaînent : Charlotte Corday et sa sanguinaire détermination, Marie-Antoinette enguenillée, le fougueux Adam Lux, un groupe entier (période de soldes oblige) de Girondins, notre Danton grandiloquent, un Lavoisier cultivant son jardin jusqu'à la dernière motte de terre, l'éternel opposant Lantenac, André-Abel Chénier et l' "ami" Robespierre. Toutes ces jolies têtes (bien pleines ou bien faites ?) finiront dans le panier du bourreau Sanson.


Le style est particulier : l'auteur marie Histoire et Littérature tantôt avec brio, tantôt avec maladresse.
La trame narrative est relativement similaire : description des dernières heures du condamné dans sa geôle, petite promenade de santé en charrette puis rencontre avec la raccourcisseuse patriotique.


Les références historiques se retrouvent surtout dans les derniers instants des condamnés et leurs ultimes (et savoureuses) phrases avant de passer à la découpe. C'est aussi l'occasion de rappeler la cruauté de cette période : à travers la France, des centaines de milliers de personnes sont tuées ou mutilées Les fosses communes se remplissent à mesure que les libertés d'opinion et d'expression s'affaissent dans le pays des Droits de l'Homme et du Citoyen. Cette véritable boucherie de masse reste assez méconnue de nos jours.


L'aspect littéraire enrobe l'ensemble du récit. Véritable palimpseste, le livre est truffé de références classiques (Hugo, La Martine, Dumas) et même contemporaines (Les onzes de Michon, par exemple). Cependant, on frôle plusieurs fois la mort par noyade tant les phrases entières empruntées à d'autres auteurs se bousculent. Les (trop) nombreuses citations (brutes ou tronquées) nous font perdre le fil de la lecture.


En écho avec ce véritable travail de fourmi mis en oeuvre par l'écrivain, on retrouve, à plusieurs reprises dans le roman, la figure du peintre. Comment ne pas évoquer la composition réfléchie du célèbre tableau de David La mort de Marat ? Observons chaque objet de la composition. Intéressons-nous à la position même du cadavre dans la baignoire. Tout est pesé, sous-pesé, réfléchi, esquissé mille fois, gommé et retracé avant de parvenir à l'oeuvre finale. Prendre le pinceau ou la plume, c'est faire un choix. Le choix de faire basculer un événement historique dans la postérité (dans "la légende" pour citer les derniers mots de l'auteur).


Outre le peintre, une autre figure mystérieuse est omniprésente au fil des pages : celle du bourreau. C'est d'ailleurs sur la figure bourreau que se referme ironiquement l'ouvrage. On y découvre un métier - réputé comme noble - qui se perpétue de génération en génération. Chaque génération de bourreau bénéficiant de son avancée technologique en matière de zigouillage.


La guillotine, parlons en.


[Cette partie de la critique a été rédigé en partenariat avec le Télé-Achat]


: création 100% française, cet appareil dépouille avec efficacité les condamnés à mort de leur chef. Réel gain de temps (fini les pendus ou les crucifiés) et de place (écarteler quatre membres à l'aide de chevaux : le spectaculaire ça prend de la place), la lame de justice régalera les yeux des foules endiablées. Le clou du spectacle étant de brandir la tête fraîchement coupée ; il est donc judicieux de garder un peu de poils sur le caillou de l’étêté (sinon, pour les chauves, don't worry : des solutions existent).


Au final, cette lecture, malgré quelques passages ardus, s'est avérée plutôt captivante par les réflexions qu'elle amène.


Ah et puisque c'est l'été, avant de préparer vos punch et autres cocktails alcoolisés, je vous invite à lire la partie "Hémorragie du décapité" dans l'article Wikipédia (passionnant !) consacré à la [guillotine] 1.


Santé. "Couic couic."

Miss_Cobblestone
7

Créée

le 11 juil. 2016

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