Un crime
6.9
Un crime

livre de Georges Bernanos (1934)

Un crime s'ouvre sur les élucubrations d'une vieille bonne de curé qui attend aux portes du presbytère du petit village de Mégère, perdu au fin fond d'une vallée alpine, l'arrivée du nouveau prêtre de la paroisse.
Cette entrée en matière, quelque peu inattendue dans un roman clairement étiqueté policier, prend le lecteur à contrepied et donne d'emblée un ton, crée une ambiance qui ne retombera pas de tout le roman. Car l'inévitable crime, qui survient dès le deuxième chapitre, est au diapason de cet incipit : une vieille rombière, vivant retirée dans son manoir depuis des dizaines d'années (et dont les habitants de Mégère, on s'en rend rapidement compte, ne savent pas grand chose), aux côtés de ses deux servantes, dont l'une est une nonne défroquée, est retrouvée morte dans sa chambre, alors qu'un homme inconnu agonise dans le jardin. L'alarme est donnée par le curé, arrivé en pleine nuit. Et le village s'affole...
L'enquête autour de ce mystère est par la suite menée au rythme chaotique d'une digestion difficile par le petit juge Frescheville (sic), dont la physionomie ne dépareille pas dans le tableau, mais dont la finesse d'esprit et le penchant pour la philosophie étonnent autant qu'ils séduisent. Car ses interrogatoires et entrevues avec le curé de Mégère vont de détours en digressions, admirablement servis par le maniement virtuose du style direct de Bernanos.
Bien sûr, vous lirez partout qu'un crime a été déconsidéré par son auteur même en tant que roman « alimentaire », incursion presque honteuse dans un genre populaire d'un auteur « intellectuel » en manque d'argent. Mais sans être du tout connaisseur de Bernanos, il semble quand même qu'Un crime aborde la plupart des problématiques chères à l'auteur (la foi, la manière de la vivre et de la véhiculer, le clergé). Il faut également avouer que la qualité de la plume de l'auteur ne s'est pas amoindrie en passant du roman noble à la littérature policière. Le sens de l'image, sert tout particulièrement l'ambiance d'isolement et d'intemporalité qui traverse tout le roman, les personnages étant décrits par leurs particularités et les lieux, autant par des images que des sons ou des odeurs.
Et comme l'intrigue n'est pas en reste, il serait dommage qu'Un crime reste caché dans l'ombre des grandes oeuvres de l'auteur beaucoup plus longtemps
Samanuel
8
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le 18 juil. 2011

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