Un monde d'azur
7.1
Un monde d'azur

livre de Jack Vance (1966)

De Jack Vance, je n'ai retenu de mes lointaines lectures qui avaient pour héros Cugel ou Rhialto qu'il s'agissait de fantasy et que j'avais détesté cela. J'avais détesté, en effet, ces tergiversations métaphysiques entre personnages peu consistants et avait alors collé une image plus que négative sur la fantasy que j'avais depuis lors évité soigneusement. De même, Jack Vance était également devenu le symbole d'une incompréhensible réussite littéraire basée sur un genre où il était plus que médiocre.

Depuis, les Imaginales ont fait leur œuvre et je me suis réconcilié avec la fantasy, élargissant ainsi ma vision sur les littératures de l'imaginaire. De même, un ami me conseilla de lire « Un monde d'azur » en m'assurant qu'il s'agissait de science-fiction écrite par Jack Vance. C'est donc toujours aux cours des Imaginales – 2007, si mes souvenirs sont exacts – que je me procurais l'ouvrage auprès d'un bouquiniste.

Par la suite, très récemment en fait, je me suis aperçu que Jack Vance était effectivement un auteur réputé – voire classique – dans la SF où il se spécialisa dans les aventures humaines au détriment des grandes sagas technologiques. Novateur, ce choix lui permit d'occuper une place à part dans l'univers SF. Aux dires des spécialistes du genre « Un monde d'azur » est une des ses œuvres maitresses.

En effet, nous sommes dix générations après le naufrage. Que peut bien devenir l'équipage d'un vaisseau spatial prison qui s'échoue sur une planète entièrement recouverte d'eau ? Aucune langue de terre, aucun minerai, rien que de l'eau, des plantes sous-marines et des poissons. Et pourtant ils vont réussir à reconstruire une société basée sur un système de caste lié à la fois aux origines des ancêtres du vaisseau et de la fonction occupée dans cette petite humanité.

L'utilisation des plantes et notamment de l'osier va leur permettre de constituer les petites iles artificielles, formant archipels, entre lesquels les tours sémaphores des communicateurs passent les informations ou retracent les grands moments de cette colonisation involontaire, mais plutôt réussie.

Plutôt réussie car un obstacle persiste : le Roi Kragen. Les flots de cette planète ont donnée naissance à une race supérieure et il s'agit des kragens. Le monstre mythologique est ici incarné. S'il n'était le Roi Kragen pour dicter sa loi, les autres kragens pilleraient sans hésitation tous les efforts des humains. Un pacte fut passé dès l'arrivée des premiers hommes avec le Roi Kragen qui se chargea d'éloigner les autres kragens contre de la nourriture.

Le monstre est maintenant devenu énorme et réclame de plus en plus de nourriture, au détriment des hommes. Aussi, lorsque certains d'entre eux se révoltèrent en tuant un jeune kragen, le pacte fut irrémédiablement remis en cause. Comment cette société va-t-elle survivre ? Par un nouveau pacte avec le Roi Kragen ou la voie de la révolte sera-t-elle celle qui permettra de déterminer l'espèce dominante de ce monde ?

Une aventure palpitante, remarquablement bien écrite où les bribes du passé remontent parfois pour nous conter les déboires et les réussites des premières générations de ce monde d'azur. Jack Vance, émancipé du délire technologique dont on fait encore la part belle en SF, nous raconte une aventure humaine, avec l'exotisme de ce monde d'azur en plus. La vie est un combat, mais quelle belle façon de le raconter, même si les instincts les plus vils de l'humanité doivent refaire surface.

Si j'ai intitulé cette critique réhabilitation, c'est avant tout pour mettre en exergue l'arrière-plan de cette histoire. Assurément, ces descendants de criminels ont su créer une société responsable, juste et équitable, allant au delà des préjugés qu'on attacherait à leur lignage. A mon sens, c'est aussi un message libératoire car nos sociétés judéo-chrétiennes restent toujours attachées à la souffrance et la mortalité propres à la condition humaine et issues du péché originel que les hommes sont censés payer durablement. Réhabilitation aussi car, je dois bien le reconnaître, je n'ai que trop longtemps affiché un mépris certain à l'endroit de Jack Vance du fait de mes piètres souvenirs de lecture alors que cet auteur est un grand de la SF qui a su faire évoluer le genre au travers de thèmes plus centrés sur l'humain tout en restant dans les standards du genre.

Un superbe roman, une belle aventure, un nouvel éclairage pour moi.
Bobkill
7
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le 3 janv. 2011

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Bobkill

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