Peut-être que c'est bel et bien la « sincérité », comme le dit Houellebecq dans sa préface pas si niaise (car finalement elle dit bien tout ce qu'il faut dire sur ce roman, pas parce qu'il est vide, mais plutôt parce qu'il recèle une simplicité de fond plutôt admirable) et que Fred a réellement posé de côté son extravagance et exorcisé ses Marc et Octave. Dans un tourbillon d'Histoire, de sociologie, de culture, Beigbeder raconte son enfance oubliée comme un poète maudit : misérable, démuni, angoissé. Difficile de croire entièrement en l'honnêteté de l'auteur de Nouvelles sous Ecstasy (vraiment, il aurait écrit tout ça en geôle ? Il aurait eu le brio nécessaire pour raconter et référencer aussi abondamment l'histoire de sa famille et la genèse de sa passion pour la littérature sans quelques bouquins sous la main ?) ; mais après tout, c'est aussi ça un roman, la réalité ampoulée, la fiction dégarnie. Frédéric connaît la littérature et son mécanisme, c'est irréfutable. Ce qui est assez étonnant venant de sa part, au-delà des quelques passages à la littérarité maitrisée, presque puissante, c'est qu'il réussit à justifier toute son œuvre avec ce bouquin. Pourquoi il mettait en scène ses personnages, pourquoi la drogue, pourquoi autant de références étouffantes. Je pense que c'est dans Un Roman Français que les intertextualités massives m'ont le moins gêné, tout simplement parce qu'elles sont l'un des seuls moyens pour lui de s'affirmer, de prouver que tous ces jours passés à jalouser son frère, lire de la SF ou à enregistrer des cassettes n'ont pas été vains. Parce qu'étaler sa culture, c'est ce qu'il est, et cet étalage est doublement justifié ici : cohérent avec l'ensemble du texte, cohérent instantanément avec les idées ou les souvenirs qu'il exprime.
Même s'il se répète souvent, ne divorce toujours pas avec les courtes phrases de fin de chapitre et les aphorismes pseudo-philosophiques pas toujours pertinents, Beigbeder annonce une éventuelle résurrection qui tournerait le dos à son excentricité à l'américaine. En croupissant dans ses cellules immondes, dans le réel dégueulasse de ses péchés, pour s'être cru dans Lunar Park, les couleurs de son passé longtemps annihilé resurgissent, du rouge de son nez au bleu de la mer de Guéthary. En plongeant dans son passé, j'ai moi aussi été immergé dans quelques-uns de mes souvenirs, et force est de constater que j'ai quelques idéaux et expériences en commun avec Fred.
Hélas, le style reste parfois trop moyen, et certaines répliques sont accablantes.
L'épilogue est magnifique.
FabienJfrd
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le 14 juin 2012

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FabienJfrd

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