Joseph Kessel était en vacances à Barcelone en 1934 au moment de l'insurrection lancée par la "Généralité", gouvernement de la Catalogne pour revendiquer l'indépendance. C'est donc le contexte historique de son roman "Une balle perdue".
Ce roman est instructif ou du moins intrigue et pousse le lecteur à se documenter en parallèle ; en effet, il montre que le désir d'indépendance de la Catalogne n'est pas si récent et est plutôt récurrent. Mais il montre surtout que le mouvement de revendication n'est pas homogène et que bien des tendances révolutionnaires ou anarchistes existent sans pour autant être indépendantistes. Deux ans plus tard, lors de la guerre civile proprement dite, il y aura une espèce de convergence conjoncturelle entre indépendantistes et républicains en Catalogne dont on peut se demander ce qu'elle serait devenue dans le cas où le camp républicain l'aurait emporté.
Le roman ne relate qu'un épisode en mettant en scène trois personnages, amis, Vicente, indépendantiste, Juan, gitan et musicien principalement préoccupé de répandre du plaisir et du bonheur avec sa musique et Alejandro, cireur de chaussures, adolescent anarchiste mais pacifiste.
C'est surtout l'itinéraire de ce dernier que le roman décrit ainsi que l'évolution de son idéal un peu simpliste d'abolition des castes, étape nécessaire à une vie heureuse dans la paix. C'est dans ce cadre qu'il devient chastement amoureux d'une jeune touriste anglaise, inaccessible, qu'il contemple à distance. De spectateur plutôt réticent à l'insurrection armée, il prend peu à peu une part plus active à l'affrontement contre l'armée (espagnole), symbole de la domination. Mais de voir les indépendantistes ou autres révolutionnaires se comporter comme le pouvoir "honni", le déçoit terriblement.
Au-delà de la mise en lumière de l'hétérogénéité des différents mouvements révolutionnaires du camp républicain et de l'inutilité des actions, je n'ai pas trouvé le roman convaincant. Le coup de théâtre final m'a aussi interpellé et je n'en tire qu'une conclusion qui ne me satisfait guère : après ces actions sanglantes inutiles, la vie continue…