Cette série mérite à mon avis d'être étudié dans son ensemble et dans son évolution historique.
Titre : Une cavalière pour l’étalon noir
Titre original : The black stallion and the girl


Auteur : Walter Farley


Nationalité : USA
Titre original :


Année de publication US : 1971
Année de première publication France : 1974


Edition :


Ouvrage d'étude utilisé : Edition Bibliothèque verte Hachette à couverture souple dépôt légale novembre 2000.


Source :
Articles Wikipédia consacré à W. Farley


Eléments de critique externe : On peut remarquer que, malgré une nouvelle couverture et un nouvel illustrateur, le texte semble ne pas avoir changer par rapport à celui publié dans la même collection en 1974.
On peut remarquer que le récit se situe dans la logique de la saga peu de temps après l’épisode du « courage de l’étalon noir » publié quinze ans plus tôt en 1956. On remarque un ralentissement du rythme de publication des épisodes à partir des années 60.


Commentaires :
L’épisode semble témoigner de l’évolution que connaît le modèle héroïque des récits pour la jeunesse à partir de la fin des années 60. Le féminin s’impose véritablement non plus sous la forme métaphorique d’une pouliche comme précédemment dans l’épisode « L’empreinte de l’étalon noir » mais sous la forme réelle et concrète d’un personnage humain qui va constituer l’enjeu de l’aventure.
La jeune fille qui surgit au début de l’épisode incarne une nouvelle image de la jeunesse plus indépendante que celle de la génération précédente. Pam Athéna est une jeune fille qui semble libre de tout engagement vis à vis de ses parents, elle conduit une voiture excentrique refuse toute attache fut-elle sentimentale comme lorsque à la fin du récit Alec s’efforce de la retenir.


P. 10 :
« Il s’agissait d’une vieille conduite intérieure grise dont la carrosserie passablement délabrée s’ornait de grosses fleurs multicolores. »


Description qui avant même que le personnage apparaisse suffi à le rattacher au mouvement beatnik d’une jeunesse indépendante non conformiste et refusant le consumérisme.


L’arrivée de Pam Athéna au ranch de l’espoir est à la fois l’occasion de mettre en scène le trouble qu’éprouve le jeune Alec vis à vis de la jeune fille et de faire le plaidoyer d’une jeunesse qui apparaît tout à fait méritante non pas malgré son rapport à la vie mais à cause de lui justement. Comme en témoigne la manière dont Pam se débrouille avec le poulain rétif Sable noir.


(A cet égard le roman de W. Farley apparaît beaucoup plus optimiste que celui de P. Vialar, « La cravache d’or » paru quelques années auparavant.)


P. 20-21 :
« Comment Pam allait-elle s’en tirer ? Elle se coucha sur l’encolure, contraignit le poulain se reposer sur ses antérieurs. Mais de nouveau, il se cabra. Cette fois, il essaya de se renverser. Il battait l’air de ses antérieurs, furieusement, faisait un ou deux pas en avant, dans un fragile équilibre. C’est que Pam avait changé de tactique. Elle l’obligeait à rester presque debout sur ses postérieurs.
Ce jeu périlleux se poursuivit pendant plusieurs minutes. Il exigeait, de la part de Pam, de la force, de l’habileté, une longue expérience et, surtout, un bon usage de l’instinct. […] Henry Dailey avait souvent essayé de le guérir de cette méchante habitude de se cabrer. Il ne lui était jamais venu à l’idée de maintenir le poulain à la verticale, jusqu’au moment où il serait trop heureux de se reposer sur ses antérieurs et, peut-être, de se calmer. »


Le héros Alec Ramsay semble au cours de cette épisode en proie à la contradiction entre un désir d’indépendance qu’incarne la jeune fille et vis à vis de laquelle il se sent attiré et la tutelle de la génération précédente qu’incarne l’entraîneur Henry Dailey et qu’il ressent comme pesante.


P. 27 (première intervention d’Henry Dailey) :
« ‘’Tient le bon’’, ordonna Henri Dailey d’un ton sans réplique, comme s’il s’adressait à un inférieur. »


Ce dernier le traitant dans cette épisode comme un gamin en lui imposant des cours de tactique après une course où il estime qu’il a commis des erreurs. L’engagement de Pam Athéna comme palefrenière correspond pour Alec à une prise d’indépendance vis à vis de la tutelle d’Henry qui a bien affirmer précédemment qu’il ne voulait pas de femme dans leur entreprise. Son acte accompli Alec n’ose pas l’annoncer à Henry et compte sur la joie que lui procurera la victoire de Black pour pouvoir le faire.


Contrairement aux récits des années 60 où le conflit intergénérationnelle se trouve mis en scène implicitement évoqué l’épisode exprime explicitement à travers le jeune héros le problème de l’incompréhension entre la jeune génération et celle des parents.


P. 59 :
« La conversation se poursuivit pendant le dîner. Dès qu’on parla de Pam, Alec constata que les réactions de sa mère étaient, comme celle de son père, bien plus affaires de sentiments que de logique. Selon Mme Ramsay, les filles devaient laisser aux hommes le monde des courses, un monde impitoyable et bien trop dur pour elles. En revanche, le concours hippique leur convenait. On les y traitait avec respect, et elles n’étaient pas contrainte de se conduire en garçon manqués. Les filles, insistait Mme Ramsay, devaient avant toute choses se préparer à diriger une maison et à élever des enfants. »


On remarque que l’hostilité à l’égard de la jeune génération de la part des parents s’articule à partir d’un sentiment de transgression de genre.


Alec vers le modèle du bâtard héroïque…
Psychologiquement le héros quitte au cours de cette épisode sa dimension d’enfant trouvé qui était sa caractéristique au début de la série avec l’épisode fondateur « L’étalon noir » et qu’il retrouve dans l’épisode « La révolte de l’étalon noir » où il se trouve à la fois amnésique et perdu dans la montagne à la suite d’un accident d’avion.


Dans l’épisode « Une cavalière pour l’étalon noir » la personnage d’Alec s’éloigne de plus en plus de ce modèle de l’enfant trouvé. Il cesse d’investir le cheval Black d’un amour exclusif qui réussit à combler son désir libidinal. Le cheval Black cesse d’être un être exceptionnel fantasmatique pour devenir de plus en plus un simple cheval dont le pouvoir magique se trouve grandement amenuisé. Il n’est plus la propriété exclusive d’Alec, sa carrière de course est gérée par l’entraîneur Henry Dailey et il apparaît qu’il peut être monter par d’autres cavaliers qu’Alec notamment les jockeys Willy Walsh ou Peter Edge qu’évoque Henry et Pam Athéna qu’impose Alec.


On apprend page 31 qu’Alec monte en course avec une cravache, chose qui apparaissait totalement exclu dans les épisodes précédents.


Parallèlement Alec apparaît comme un être humain comme les autres, on apprend qu’il est lui aussi à l’instar des autres jockey en proie à la superstition. Monter son cheval en course cesse progressivement d’être une mission pour devenir un métier dont l’aspect ingrat n’est pas caché.
La description de la course de l’étalon noir dans Le Roseben Handicap prend un aspect technique semblable celui que l’on trouve dans les romans sur le monde du turf notamment ceux de Paul Vialar (L’éperon d’argent, La cravache d’or).


Henry Dailey comme représentant de l’ancienne génération.
Dans cet épisode de la saga Henry Dailey incarne la génération des parents porteurs de valeurs et de préjugés dépassé au yeux des jeunes, l’enjeu du récit semble consister dans le fait de convaincre le vieil entraîneur de la valeur des jeunes. En montrant l’évolution du regard des jeunes à l’égard des jeunes filles le récit s’inscrit dans la construction d’une logique conciliatrice des rapports inter générationnel.
L’évolution d’Henry Dailey est à cette égard révélatrice il admire d’abord le travail effectué par la jeune fille puis développe une véritable affection au point de connaître une véritable angoisse lorsque Pam monte Black en course.
P. 160 :
« Je n’aurais pas dû permettre ça. Elle est si jeune ! Presque une enfant ! Et moi, je ne suis qu’un idiot… un vieil idiot. »


L’argent.
L’enjeu des courses hippique devient également plus trivial Alec et Henry font courir leur cheval non plus pour prouver sa valeur ou remporter une somme d’argent importante et symbolique destiné à réparer une tragédie comme lorsqu’il doivent remettre Black à la compétition pour rassembler la somme de 100 000 $ pour reconstruire une écurie détruite par le feu (« Le courage de l’étalon noir »), mais pour payer les factures courantes du ranch. L’argent a perdu sa valeur mystique et symbolique (comme l’exprimait le prix ridicule d’un dollar auquel Alec vendait le poulain Satan à son père « Le fils de l’étalon noir »), pour devenir un moyen d’échange incontournable de la vie quotidienne état de fait qu’Alec semble regretter quand il s’en excuse auprès de Pam Athéna.
P. 91 :
« [Pam] Toutes ces victoires, c’est important pour vous, n’est-ce pas ?
[Alec] C’est surtout important pour le fonctionnement du ranch. C’est pour gagner de l’argent que nous élevons et entraînons des chevaux. Sans argent, nous n’aurions plus qu’à fermer boutique. »


La mort.
L’épisode est également l’occasion de la mise en scène de la mort alors que dans un épisode semblable, un cheval heurte de plein fouet une barrière au cours d’une course la pouliche Black Pearl s’en tire avec une cicatrice sur le poitrail (« L’empreinte de l’étalon noir ») le poulain Sable noir monté par Pam y laisse la vie (pp. 138-141). De même que le désir amoureux fait irruption dans la vie du héros la mort dans sa dimension cru et concrète s’impose sans fard.

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le 18 mars 2019

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