C'est un livre intéressant que la mathématicienne Sofia Kovalevskaïa nous propose ici. Elle retrace en quelques pages l'évolution d'une jeune femme qui se tourne vers le nihilisme dans les années 1870 (l'action débute en 1860 lorsque Véra n'a que 9 ans, puis évolue jusqu'à l'âge adulte).
Dans ce roman, Kovalevskaïa a plusieurs mérites. Tout d'abord, elle met en scène des personnages féminins forts et de responsabilité. Ainsi, elle montre que la lutte idéologique n'est pas une affaire uniquement masculine, mais bel et bien mixte. En cela elle se distingue de certaines œuvres sur le nihilisme et sur les confrontations de générations/d'idées qui ont tendance à trop masculiniser l'action (même si, il faut le reconnaître, beaucoup d'efforts étaient déjà faits dans ce sens, à l'époque). Elle permet aussi de donner un bref aperçu des mouvements sociaux et des perturbations politiques de l'époque et donc d'intéresser le lecteur à l'histoire de la Russie.
Quelques points négatifs sont néanmoins à souligner. Si la volonté "féministe" reste louable, l'issue du destin "grandiose" tant désiré par Véra contredit toute l'envergure féminine de l’œuvre*. Les dix dernières pages s'opposent ridiculement à tous ses développements précédents, et c'est fort regrettable. Il est peut-être possible que l'écrivaine ait voulu donner une fin ironique de son roman (il est indéniable qu'elle l'est), mais selon moi, cette ironie brouille le message principal, donc j'ai choisi de souligner ce point en négatif.
La prose est assez simple, quelques sursauts poétiques sur la nature et les saisons arrivent principalement en fin de paragraphe, et trahissent l'influence des œuvres de Tourguéniev.


Ma note, subjective, est de 7. La prose n'a rien d'exceptionnel mais son écriture reste agréable à lire (je tiens à souligner que je n'ai pas lu l'original mais une traduction de Nadine Kontchewsky datée de 1893. Mon "jugement" sur la prose peut donc être erroné). J'ai apprécié le début, la mise en place de l'intrigue, la contextualisation, et notamment le soin apporté à la description de l'accueil du manifeste sur l'émancipation du servage. J'ai vraiment adoré le développement, et plus particulièrement la scène au tribunal. Par contre j'ai été très déçue par la fin, trop rapide, et malvenue.


*SPOILER:


toute nihiliste qu'elle soit, elle découvre que son destin est de se marier à un exilé politique pour le suivre en Sibérie et soulager sa peine de travaux forcés, ce qu'elle fait. Certes, le mariage ne l'éloigne pas de sa pensée nihiliste car elle ne manque pas de mépriser la religion, mais faire du mariage la seule "grande" destinée de l'héroïne, d'une part (et c'est personnel), la ridiculise, mais aussi tend à réduire, une fois de plus, le pouvoir d'action de la femme ... au mariage.

Polymnia
7
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le 30 sept. 2015

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