Vous comprendrez donc par Zou

Un labyrinthe obscur administré comme une maison de repos : telle est la nouvelle définition des Enfers par Claudio Magris. Depuis cet espace étrange où toute sortie semble interdite, une femme fait entendre sa voix pour remercier Dieu, l'invisible « Président » des lieux, de l'autorisation spéciale qui lui a été accordée : l'homme qu'elle aime a obtenu le droit de venir l'arracher au séjour qui lui a été infligé par une maladie mortelle. Soumise comme Eurydice au repos éternel et à la séparation avec son amant, cette femme est le nouvel avatar de la Muse. Depuis l'extérieur, son homme, tel Orphée, pleure sa douleur d'être exilé d'elle.
Le mythe s'arrête ici pour laisser la place à la fantaisie de Magris : c'est à cette femme oubliée du mythe qu'il laisse le soin de retracer l'histoire de son couple, de sa maladie et de la ténacité de son poète à vouloir la ramener parmi les vivants.
Que s'agit-il alors de comprendre ? que ce nouvel Orphée, en venant la chercher, se lance dans une quête d'amour mais aussi de vérité. Que cette vérité est bien trop terrible pour être entendue d'un poète : si la mort n'est que le miroir de la vie et de ses quiproquos, comment le poète pourrait-il prétendre guider les hommes ? Cette question sous-tend le texte jusqu'à son dénouement – inattendu et poignant.
Traitant pourtant du thème de la passion amoureuse soumise à l'épreuve de la mort, ce livre a le mérite de ne jamais tomber dans la facilité du sentimentalisme larmoyant : au lieu d'être exhibée, l'émotion est bien plutôt dite en creux, sous couvert de l'humour, du désir ou de la tendresse. Une belle leçon de littérature contemporaine...