J'espérais naivement un équivalent boudhiste de l'excellent Royaume. Je me suis retrouvé prisonnier de 200 pages de suffisance et de nombrilisme. La fausse-modestie, l'auto-appitoiement, la complaisance ambivalente et le sentiment de tourner en rond font de Carrère le pire compagnon de lecture possible. J'espérais qu'il déploierait son talent de chroniqueur et de conteur hors-pair dans une oeuvre moins étroite que le récit de ses dépressions. Observateur avisé de l'Autre, je n'ai pas l'impression qu'il a les qualités nécessaires pour rendre supportable par le lecteur la description de lui-même sur deux-cent pages. La platitude du style ne parvient pas à contrebalancer la redondance des observations, malgré la présence, ça et là, de quelques anecdotes pétillantes (le plus souvent sans lien avec le reste du récit, si tant est que ce mélange informe d'histoires sans cohérence entre elles sinon le spleen de l'auteur puisse être contenu dans un "récit" au sens traditionnel du terme).