Zones Humides, le livre incompris (spoil)

Après le flot d'encre que Zones Humides à fait couler, autant en propos élogieux qu'en blâme sévère (et c'est un euphémisme), je ne pouvais pas m'empêcher de lire ce livre afin de me forger un avis. Rédigé à la première personne, il se lit très facilement et rapidement (d'une traite pour ma part), et nous raconte l'histoire d'Hélène, 18 ans, venant d'urgence à l'hôpital à cause d'une fissure anale se devant d'être opérée. Ca pose déjà le décor...

Elle nous conte aux fil des pages, d'une manière tout à fait décomplexée et trash (que j'apprécie beaucoup, mais c'est une histoire de gout), les plus intimes et croustillantes anecdotes de sa vie. Sa vie sexuelle, oui, mais pas seulement. Et c'est là, "l'erreur" que j'ai pu voir dans la majorité des critiques disponibles sur le Net.

Certes, Zone Humides est un livre très trash dans l'écriture comme dans les propos. Par conséquent, il est compréhensible que les lecteurs se focalisent sur ces passages très crus, et en oublient tout le reste. Pour preuves, les extraits fournis dans les critiques sur Internet sont toujours les passages les plus trashs du bouquin, qui choque le plus, du genre :

"Mes hémorroïdes ont une allure très particulière. Au fil des ans, elles n’ont cessé d’évoluer vers l’extérieur. Autour de la rosette, il y a maintenant des lobes de peau en forme de nuages, on dirait des tentacules d’une anémone de mer. Le Docteur Fiddel appelle ça du “chou-fleur”."
"Je fais pousser des avocats. C’est mon seul passe-temps, avec la baise."
"J’adore aussi qu’on me lèche quand je perds du sang. Il est vrai que c’est un moyen de tester le courage de son partenaire : quand il a fini de lécher et qu’il lève les yeux, je l’embrasse pour que nous ayons l’air de deux loups venant de déchiqueter un chevreuil."

Si j'avais voulu vous choquer et vous dégouter encore plus, pour continuer dans cette optique d'accablement du livre, j'aurais ajouté le passage où Hélène et une de ses copines se gavent de toutes sortes de drogues et de vin rouge, vomissent toutes deux dans un même seau blanc, et boivent à nouveau son contenu à tour de rôle. C'est très clairement le passage qui m'a le plus "dégoutée", le reste étant très abordable..

Forcement, quand le livre vous est présenté de cette manière, cela peut rebuter certains (encore que...). Cependant, je vous invite à lire le résumé de la 4ème de couverture, qui apporte un angle tout nouveau à la compréhension du livre :
"Hélène a 18 ans. A l’issue d’un rasage intime malencontreux, la jeune femme se retrouve à l’hôpital. Livrée à elle-même, elle s’invente toutes sortes de jeux avec son corps. Enfant du divorce, héroïne d’une société désorientée, Hélène est transgressive à souhait. L’auteure déclare : « Je savais que je voulais écrire quelque chose sur les thèmes suivants : « femmes, hygiène, odeurs », sur toute cette hystérie hygiéniste qui nous entoure et qui m’agace depuis des années. » Un livre qui fera date !"

Saisissez toute la nuance... Dans le livre, l'héroïne ne parle pas seulement crûment de sexe, mais aussi beaucoup du divorce de ses parents, d'un traumatisme familial qu'elle a vécu, de la tentative de suicide de sa mère (dont son petit frère aurait été un dommage collatéral si celle ci avait aboutie), de son histoire. Hélène opère une confession sans tabous concernant son passé, ce qui lui a permis d'évoluer de cette manière et de se retrouver aujourd'hui dans ce lit d'hôpital... Voyez pourquoi j'ai un peu envie de sortir mon épée pour défendre ce livre que j'ai vraiment apprécié, quand je lis des critiques dont le titre se résume à "texte au contenu vraiment très très sale" ; "inutile d'écrire un livre juste pour parler cul avec des mots sales" ou "merde sans style".

Pour moi, ce livre est très profond psychologiquement parlant. Il dénonce énormément de choses : l'absurdité d'une société qu'une jeune fille extravagante de 18 ans ne peut se résoudre à accepter, la souffrance et les conséquences que peut engendrer un divorce... On se rend compte de la puissance psychologique de ce livre dans le passage où, après son opération, Hélène mutile la plaie avec une violence effarante, à l'aide de la pédale de son lit d'hôpital, dans le seul but d'y rester plus longtemps. Son père et sa mère, divorcés, lui rendant régulièrement visite, elle tente d'échafauder un plan pour que ces derniers se rencontrent à nouveau, et espère secrètement qu'ils se remettent en couple.

Chaque avis est différent concernant ce livre. Je comprends bien qu'il puisse provoquer un rejet total chez certains, un peu comme l'humour noir. Je vous inviterais seulement à le lire, pour vous faire votre propre avis, en gardant l'esprit ouvert et alerte.