alt.end
6.9
alt.end

Morceau de The Cure (2004)

S'il est un album dans la carrière de The Cure qui joue la carte de la dualité et de l'opposition, c'est justement l'album The Cure, qui exploite ces notions dans la majorité des titres. "Alt.end" ne fait pas exception à la règle.
Cependant, quelque chose nous frappe au moment où nous posons les yeux sur la face arrière du CD : tous les titres sont écrits en majuscules, sauf celui-là. Comme si on avait voulu qu'il se démarque... Ou peut-être n'est-ce qu'un pur hasard ? Un oubli, une faute de frappe ? Pourtant, à l'intérieur du livret, le même phénomène se produit, prouvant qu'il ne s'agit pas d'une simple coïncidence. Alors pourquoi cette envie d'en faire, de toute évidence, un morceau à part ?
Pour la simple et bonne raison qu'"Alt.end" n'est déjà plus -ou plutôt est une alternative à- The Cure en tant que groupe ; "Alt.end" est à la frontière de The Cure en tant qu'album. C'est une chanson de transition, d'opposition entre la fin du groupe telle que Smith pense qu'elle sera, et la fin du groupe comme il voudrait qu'elle soit. Le sujet de "Alt.end", on l'aura compris, n'est autre que The Cure en tant que groupe, connu, reconnu et adulé par ses fans, face à Smith en tant qu'homme, prisonnier de sa création, avec ses doutes, ses interrogations, et surtout son envie, parfois, de tout arrêter, de se libérer de l'oeuvre de sa vie, The Cure, ce groupe qui lui a tout donné. En ce sens, ce morceau trouve parfaitement sa place dans l'album éponyme.
Vaste problème pour Smith et énorme dilemme, on le comprend, lorsqu'il s'agit de choisir entre retrouver sa liberté et continuer à travailler pour sa musique et ceux qui l'aiment. Son groupe aurait-il fini par devenir pour lui, au fil des années, une sorte de prison dorée ?
Pour lui, la musique est une passion, et c'est sans doute pour cette raison que, comme pour "The promise", l'on pourrait croire, si on se limite au refrain ("I don't want another go around (...) I want this to be the last thing we do, it for me and you..."), que "Alt.end" raconte une histoire d'amour qui aurait mal tourné, dont le personnage principal se sentirais étouffé ; la "fin alternative" à cette histoire serait alors la libération de cet homme ("For all my dreams came true..."). Mais les couplets nous éclairent immédiatement et viennent confirmer que tout au long de cette chanson, Smith s'adresse aux fans de son groupe et peut-être même aussi aux membres de The Cure eux-mêmes. "Yeah it's a big bright beautiful world, just the other side of the door... Six billion beautiful faces, but I saw them all before...". Vision quelque peu dérangeante pour les fans d'un leader qui avoue, avec une énorme franchise, il faut bien le reconnaître, sa lassitude à repartir systématiquement en tournée. Un leader qui avoue même, blasé, qu'il estime avoir fait son temps ("It's only that it's over and done for me, it's already been and gone..."). On sent bien que malgré la légereté apparente du morceau au niveau musical, il se trame quelque chose de louche, que ces mots viennent d'un cerveau troublé, agité par des conflits internes. Plus loin, dans le second couplet, Smith pousse un peu plus loin le vice en affirmant ne pas se soucier des avis extérieurs (de ses fans ? Des autres membres du groupe ?), comme pour se prouver qu'il peut encore décider de tout, qu'il est encore libre de son destin ("Really should care about your love or your hate of me... Yeah I should care but I don't..."). En écoutant le morceau, on remarque que Smith appuie particulièrement sur le "don't". "It's not a case of do or die"... Sous-entendu : rien ni personne ne l'oblige à continuer... Personne à part lui-même ?
Le reste des paroles suit le même ordre d'idée, mais malgré leur apparente simplicité, elles sont en fait extrêmement subtiles, car pleines de doubles sens. Elles semblent renfermer une grande pression, dont Robert tente de se libérer, une tension, des non-dits. Comme je l'expliquais plus haut, il est aussi fort probable que ce titre soit adressé à Perry, Roger, Simon et Jason. "I want this to be the last thing we do"... Ce "we" les désignerait-il ? Alt.end serait-elle une façon pour Smith de leur faire comprendre qu'il souhaite que cet album soit le dernier de sa carrière, comme il l'a d'ailleurs maintes fois clamé après sa sortie ?
Oui mais voilà, tout n'est pas si simple, et c'est ce qui donne à "Alt.end" tout son intérêt. Car il ne fait pas oublier l'essentiel : tout ceci, tout ce que raconte Smith dans cette chanson, tout cela est décrit comme une fin alternative. Dans une interview récente donnée par Roger O'Donnell, quelque temps après son éviction du groupe, celui-ci déclarait que Smith ne pourrait jamais se résoudre à arrêter de faire de la musique, de la scène, à abandonner The Cure, que c'est sa drogue. Ce que Robert avoue d'ailleurs implicitement dans "Alt.end", dans laquelle il ne franchit pas le pas. Les idées qu'il développe restent à l'état d'hypothèses (même s'il parvient à nous faire passer clairement le message), et malgré son évidente bonne volonté, QUELQUE CHOSE en lui résiste, qu'il ne saurait expliquer. C'est là tout le problème de la passion, qui nous empêche d'agir raisonnablement. On s'aperçoit alors que "Alt.end" n'est pas si éloignée de "End" (étrange similitude dans les titres) et son fameux "Please stop loving me, I'm none of these things...". Et même si, dans l'album de 2004, la fin est censée être alternative, la conclusion reste toujours la même : Smith est encore là, prisonnier de sa passion dévorante pour la musique.
Psychedeclic
7
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le 23 déc. 2011

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