J'arrive
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J'arrive

Morceau de Jacques Brel (1988)

Et revoilà l'inéluctable, le grand frisson et les larmes qui coulent, me revoilà la plume à la main bercée par ce chant beau comme la vie, fort comme sa fin.

Une spirale, tout dans cette chanson est une spirale infinie, du texte à la musique.

La musique déjà, violons heurtés, en sourdine, dans une rengaine répétée, répétée, répétée encore et encore, accentuée au refrain, trois accents toniques, un piano qui arrive, une trompette sur quelques notes, quelques variations, du triangle, mais toujours, toujours le violon qui reste constant, qui poursuit sa boucle et ne nous laisse pas nous en sortir.

Lorsque le texte se finit, la musique s'emballe, on peut la voir tournoyer et s'élever dans le ciel noir d'une tempête belge.

Le texte, parlons en, est un pur bijoux. Brel reprend ici l'une de ses thématiques fétiches, la mort, et la fatalité de la mort. Tous les termes employés ou presque appartiennent soient au champ lexical de la mort ou du deuil ( chrysanthèmes, potence, ..) ,à celui du départ ( en partance, j'arrive, ..), ou à celui du temps ( l'été, le printemps..) . Temps qui ici prend autant d'importance que la mort.
"Qu'est-ce que j'aurai bien aimé encore une fois prendre un amour comme on prend le train, pour plus être seul, pour être ailleurs, pour être bien."
Je ne résiste pas à une deuxième citation :
"Qu'est-ce que j'aurai bien aimé encore une fois remplir d'étoiles un corps qui tremble et tomber mort, brûler d'amour, le cœur en cendres."

C'est juste magnifique, c'est bouleversant, toutes les images employées renvoient à ce temps qui passe, inéluctablement, qui nous mène, tous, à notre mort certaines, qui nous file entre les doigts, qu'on a déjà perdu en y pensant... Tout parle de cette peur que Brel avait de ne pas avoir le temps de réaliser ses rêves, de cette soif de vivre, cette passion qui l'animait, cette joie d'enfant qui le poussait à se lancer à corps perdu sur scène, dans ses textes, dans sa vie, dans la mort aussi.

Que cet homme m'émeut, que j'admire cet homme.
Et sa voix, et cette voix qui tremble un peu sur ce texte, qui se prête à des accents tragiques, au sens premier du terme, soumis à une fatalité divine. Cette voix qui laisse échapper son souffle en fin de phrases, souffle qui ici se fait l'écho du dernier.

"N'ai je jamais rien fait d'autre qu'arriver?"
EIA
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le 12 oct. 2013

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EIA

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