Labyrinth
7.3
Labyrinth

Morceau de The Cure (2004)

Smith nous avait déjà prévenu dans "Lost" en martelant son "I can't find myself". Là, il enfonce le clou. Quelque chose en lui ne tourne décidément pas rond : encore et toujours des questions, des remords, et ses démons qui l'assaillent depuis tant d'années sans qu'il ait réussi à les chasser de son esprit. Un esprit comprimé sous le poids de ses angoisses (impression accentuée par l'effet de voix sur la première partie du morceau). Plus encore que le duo "The promise" / "Going nowhere", le duo "Lost" / "Labyrinth" possède à lui seul une raison d'être, le second titre apparaissant comme une suite logique au premier.
Ambiance malsaine, moite, lourde, comme celle qui flotte au-dessus des forêts tropicales, ou lorsqu'on sent, à la fin d'une écrasante journée d'août, qu'un orage va éclater. Une atmosphère que les guitares teintent d'un léger psychédélisme (on pense à "Wailing wall" et à l'album The top en général). On imagine le narrateur évoluer dans un étrange labyrinthe végétal, dont les buissons épaissiraient à vue d'oeil pour mieux l'étouffer, avec parfois, au détour d'une allée ou caché dans les feuilles, des miroirs qui réfléchissent, au sens propre comme au figuré.
"Labyrinth" nous présente en effet deux Robert Smith, voire trois. Le premier, celui qui parle, est cynique, réel. C'est lui qui adresse ses critiques et ses reproches au second, mais le second n'est que l'image du premier dans un miroir. Le premier est dans le flou, il doute, cherche des réponses comme pour se convaincre qu'il ne doit plus se voiler la face ("Oh tell me it's the same boy burning in the same bed / Tell me it's the same blood breaking in the same head...") ; le second, protégé derrière sa glace, lui répond en écho, lucide, porteur de l'incontestable réalité des choses ("The boy is stiff, the bed is hard / The blood is thick, the head is burst..."). Le troisième, en fait, pourrait être le trait d'union entre le narrateur et son reflet : le Smith du passé. Celui qui était jeune, beau et insouciant, qui aimait ce qu'il voyait dans la glace, et qui n'imaginait pas à cette époque qu'un jour le temps le rattraperait. Le Smith d'aujourd'hui semble au contraire avoir du mal à réaliser ce qui lui arrive et préfère même au milieu du morceau s'effacer derrière un solo de guitare plutôt que d'énoncer une vérité qui pourrait être douloureuse à entendre : "But if nothing has changed / Then it must mean"... Cela voudrait-il dire que c'est lui qui a changé ?
Durant plus de cinq minutes d'un débat houleux, c'est donc bien à lui-même que le leader de The Cure s'adresse, notamment grâce à deux leitmotiv principaux qui s'opposent (répétés avec insistance) et coupent la chanson en deux parties bien distinctes : "Say it's the same you (...) / It's not the same you"... . Impuissant devant les ravages du temps qui passe, la mort, la fin annoncée de son groupe, dont les plus belles années sont derrière lui, rongé par une colère intérieure et une culpabilité qui le rendent dur envers sa personne, Smith dévoile dans "Labyrinth" ses difficultés à faire coexister son esprit d'adolescent rebelle (dont il reste encore des traces) et son statut d'adulte trop conscient que l'échéance arrive à son terme. Le titre se termine dans un souffle... "Everything has to have changed... Or it's me...".
Psychedeclic
9
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le 23 déc. 2011

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