Je viens de réécouter ce classique et ne peux pas ne pas faire un parallèle avec l’actualité. Celle du mariage pour tous et de ses opposants.

Frigide Barjot et tous ceux qui la suivent sont-ils si différents des « honnêtes gens » évoqués par Brassens dans la chanson, ceux « qui voient de travers », « la sainte famille machin », « le père, la mère, la fille, le fils, le saint-esprit » qui, du haut de leur morale chrétienne, ne supportent pas les bécots des jeunes, voulant imposer à tous leurs conceptions faisant de la sexualité un véritable tabou ?

Frigide Barjot et ses partisans, dont beaucoup affirment ne pas être homophobes, agissent-ils si différemment de ces passants qui aimeraient empêcher les jeunes de s’embrasser, quand ils refusent aux homosexuels d’avoir les mêmes droits que les autres ? Ne cherchent-ils pas à imposer à tous leur vision de la société ?

Brassens, qui par ailleurs n’a pas écrit que des paroles heureuses sur l’homosexualité (dans un autre contexte il est vrai), pourfend dans cette chanson, et de façon plus large, dans le reste de son œuvre, les bigots et tous ceux qui veulent nous imposer un modèle ou un mode de vie, et restreignent ainsi notre liberté individuelle.

Sa chanson est d’ailleurs plutôt pessimiste : les jeunes amoureux des bancs publics évoqués dans la chanson ne deviennent-ils pas par la suite des « passants honnêtes » ? Car la chanson est cruelle pour ces jeunes, leur amour ne durera pas, c’est évident. Car alors qu’ils sont encore sur les bancs à s’embrasser et à supporter le « regard oblique » de ceux qui les voient de travers, ils ont déjà intégré les codes sociétaux de ces derniers : ils pensent déjà à avoir des enfants et ils « choisissent les prénoms de leur premier bébé ». Par la suite, ils se conforteront au modèle familial traditionnel, la femme coudra, sans doute pour les enfants, tandis que l’homme fumera, en discutant politique avec des amis, ou en lisant le journal au coin du feu…

Brassens décrit donc dans cette chanson, et non sans affection, la liberté, l’insouciance et les sentiments passionnés d’une certaine jeunesse (pas celle de la famille catho), et en même temps, sur le ton de l’évidence, le poids des habitudes et du conformisme social, et l’emprisonnement de ces jeunes dans un mode de vie qui va leur faire s’envoler leur amour et le bonheur.

Bref, cette chanson, agrémentée de jolis vers, est une ode à la liberté, qui m’amène à crier :

« vivent les bans publics (pour tous) ! »

(même si je ne suis pas, de façon générale, un partisan du mariage).
socrate
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le 23 mai 2013

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socrate

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