L'émotion, sans artifices

Petit instant de nostalgie cette nuit, à deux heures du matin, seul dans mon lit, entre La Part de l'Autre de Schmitt, Les Raisins de la Colère de Steinbeck et mon ébauche de trois cent pages dont le fichier est encore ouvert sur mon écran d'ordinateur...

Je me souviens, en 2003, de ma fracassante découverte d'Evanescence. Ou quand un gosse de six ans reste immobilisé, estomaqué, devant une scène de Daredevil que je ne me remémore plus très bien (jamais revu depuis). Ce dont je suis certain, c'est qu'Evanescence allait entrer dans ma vie, pour ne plus jamais en sortir.

Aujourd'hui, après toutes ces années, dans le paisible silence de la nuit et la chaleur sécurisante d'une chambre que je ne fréquente plus que les week-end, tout revient. Les mêmes sensations. Les mêmes émotions. Le même ébranlement du coeur, qui essuie ce que le cerveau n'arrive pas à gérer. Le même brouillard liquide aux yeux quand le final se tait enfin. La même onde de douceur, de violence et d'inconnu qui se propage de la nuque aux pieds. C'est incroyable, je comprends que, au fond, je demeure le même que ce gamin d'il y a quinze ans. Seuls un peu plus de vécu, quelques visionnages, de nombreuses lectures et écoutes séparent ces deux êtres qui n'en sont qu'un.

Ces chansons qui sont capables de vous faire ressentir les mêmes sentiments, quinze ans plus tard aussi bien qu'au premier jour, ne sont pas de simples chansons. Ce sont des oeuvres, des chef-d'oeuvres j'ajouterai, d'intemporelles créations qui ne se délaveront jamais. Leur message est universel, leur aptitude à retranscrire ce que nous pouvons vivre dépasse incontestablement les lois de toutes ces sciences cherchant à élucider l'inexplicable.

Je remercie la vie, aussi dure soit-elle souvent, de me permettre d'éprouver de telles choses. Dire que certains passent leur vie dans de l'arithmétique plate, insipide, austère, inexpressive... je crois que ces gens-là sont à plaindre, finalement. Ils n'auront jamais conscience de ce que l'autre côté de leur cerveau peut leur apporter, c'est affreux, quand on y pense. Et que dire de ces éternels matérialistes, ne vivant qu'à travers leurs possessions inertes, qui les abandonneront une fois le moment venu de fermer les yeux...

Ayant eu à vivre ce dont parle la chanson, je ne peux toutefois m'empêcher d'accorder une affectueuse pensée à mes aînés de sang, particulièrement en entendant
When you cried I'd wipe away all of your tears
When you'd scream I'd fight away all of your fears
I've held your hand through all of these years

Il y a de ces gens exceptionnels, géniaux, qui redonnent espoir en ce dont l'humanité est capable d'accomplir lorsqu'elle se décide à donner le meilleur d'elle-même. Il y a de ces gens uniques, inimitables, qui créent ce qui les rend immortels. Il y a de ces gens que vous aspirez à rencontrer, dont vous désirez ardemment vous inspirer tant ce qu'ils font enrichi votre séjour sur Terre.

Bercy, 5 avril 2020... que dois-je faire ?

Ah oui, pour ceux se demandant, fort justement, pourquoi je n'ai pas accordé un dix... c'est parce que la chanson est trop courte, on en redemande encore et encore !