Trois notes de synthétiseur flottent lentement dans l’atmosphère, un clavier bien gras enchaîne, son badass, basse qui tabassent, clavier aigu pesant planant, boite à rythme, cymbales qui cymbalent, pluie d’étoiles filantes sur clavier inspiré, guitare funky, voies robotisées, cœurs féminins, ton sexy pour société macho-machino-dépendante, je suis dans le futur des années 1980, coincé dans mon espace temporelle fantasmé à tout jamais figé.


Je fuse dans ma voiture volante, modèle Ford Thunderbird flottante, autopropulsée par combustion d’essence, gris clinquant brillant, filant au milieu d’une forêt d’immenses tours de verre qui s’en vont percer le ciel de leur sommets tranchants aiguisés fluorescents, en face à l’horizon un brasier violet incandescent dégradé de soleil couchant sur ciel gris se reflète sur mon pare-brise. Ici le ciel n’est plus jamais vraiment bleu, toujours encombré d’une épaisse purée de pollution grisâtre qui traîne partout sa tronche poisseuse en laissant dans l’air une odeur de vieux pots d’échappement rouillés et de transpiration de slip en coton après une journée de canicule, et puis le ciel n’est plus jamais vraiment noir non plus, les violentes lumières artificielles tapageuses clignotantes et les néons colorés délavées sont toujours allumés dans le ciel étoilé qui a depuis longtemps perdu toutes ses étoiles.


A ce qui semble être des années lumières en dessous, tellement bas que de toute façon on ne les voit même plus, le béton et la pierre, brut et sale, les fils électriques qui pendouilles doucement comme les testicules d’un centenaire au réveille et la fumé qui s’élèvent des bouches d’égouts pour recracher la puanteur du monde d’en haut. Et perdu au milieu de ce grand royaume des ombres, une masse crasseuse invisible et silencieuse, qu’on a laissée pourrir à ciel ouvert comme une mauvaise récolte de betteraves, qui n’a même jamais vu la lumière du jour, qui n’a même jamais sentis le soleil lui chauffer doucement la peau, qui n’a même jamais sentis le vent lui souffler délicatement dans les cheveux.


Dans ce flot infini et anarchique de voitures filant au milieu du ciel qui se reflète à l’infini sur ces tours de miroirs comme une rivière en cru au milieu de rives de verres je me dirige vers le Commodore 72, le club le plus branché de la ville, le plus haut aussi, situé au sommet de la plus haute tour, dans ce monde où votre situation sociale est déterminée par la hauteur à laquelle vous vivez. Des femmes qui bronzent sur leur balcons miroirs me font signent en passant, enrubannées dans leur bikini d’aluminium qui vous éblouit de ses milliers de reflets colorés, seins de lumières, tétons lasers à têtes chercheuses, pendant que les maris rentrent du bureau propulsés par leur Jet-Pack, pétaradant à toute vitesse entre les véhicules, leur mallette leur pendant entre les mains comme une chaîne aux pieds d’un prisonnier.


Voilà enfin le Commodore 72 qui émerge en face de moi, Iceberg de débauche au milieu de cet océan de malheurs fantasmés, avec son énorme arbre millénaire planté en plein milieu de cet énorme pièce circulaire, l’un des trois derniers qui reste dans tout le pays et qui donne l’impression de danser au milieu des stroboscopes pendant que ses feuilles s’agitent au milieu des lumières fluorescentes, avec ses géants serveurs dans leur tunique une pièces argentée avec masque intégré qui leur donne cet air mélancoliquement triste, avec ses danseuses dans leur petite robe de strass en or qui volettent autours de leur cuisse comme un charme enchanté, leur talon haut compensé et leur coupe au carrée, dorée comme le reste de leur tenus, avec ses amplis brillant dorés argentés cuivrés qui recouvrent tous les murs du bar, circulaire lui aussi, avec ses cocktails colorées qui voltigent dans tous les sens et qui scintillent comme des lucioles sous acides et bien évidemment avec ses drogues synthétiques, en ce moment c’est l’Alvulvidoïde 333, qui vous tiens éveillé pendant 33 heures consécutives, donne à vos yeux de jolies couleurs vives, mélanges les odeurs, cafouille les sons, vous fait oublier la notion du temps tout en vous laissant le voir défilé doucement devant vos yeux et fait danser toutes les cellules de votre corps au rythme des synthétiseurs catalyseur d’une époque étrangement incroyable, suspendu dans un futur qui ne viendra jamais.


Alors le morceau s’arrête et nous revoilà dans le présent.


(https://www.youtube.com/watch?v=zDV_dBYp4h0)

Clode
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le 8 mai 2016

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