The Last Balloon
7.7
The Last Balloon

Morceau de XTC (2006)

C’est déjà triste, un train qui siffle dans le soir. Même quand c’est nous qui partons. I got No expectations to pass through here again, chantait Mick Jagger en le laissant quitter la gare.


Andy Partridge, il est comme Brian Wilson, il est comme le gitan, c’est pas un marrant. C’est un gars curieux. Comme il fait rien comme tout le monde, ce train qui nous emporte ou nous laisse sur le quai, démunis, vides, une fois que toutes les larmes ont été versées, il en a fait une montgolfière – anachronique et imposante, à l’image de la face cachée de son groupe lunaire. Et quand une montgolfière quitte la Terre… c’est plus qu’une séparation, c’est une coupure.


Comme souvent avec Andy, c’est le thème musical, qu’il qualifie de « mélodie hantée », qui lui a inspiré les paroles. Il s’agissait à l’origine d’un instrumental triste joué à la guitare acoustique, mais comme dans la démo celle-ci sonnait « bizarrement comme un clavecin », elle fit surgir toute une chaîne d’événements mentaux qui aboutirent au texte final. « Les clavecins m’ont toujours fait penser aux montgolfières, et les montgolfières me font penser à une évasion, peut-être d’un endroit assiégé ». Comprend qui peut.


Mais peut-être que les montgolfières le font aussi penser aux bugles… Car, sur fond d’accords au clavecin, c’est cet instrument (magnifiquement joué par Guy Barker) qui emmène finalement la version achevée de The Last Balloon. Le bugle a un son proche de celui de la trompette, mais en beaucoup plus doux et « rond ». C’est lui qui donne à la chanson son ambiance poliment poignante et son étrange élégance, cool et traînante, de fin de soirée dans une boîte de jazz. L’apesanteur, elle, est assurée par un triangle discret, un piano sourd, un vocal pur, des nappes fantômes au mellotron.


Climb aboard, climb aboard you menfolk, chante Andy en un écho lunaire à l’antique Roll up ! Roll up for the Magical Mystery Tour qui espérait vous emmener (satisfaction garantie). Climb aboard, climb aboard all you women, plaintif en un écho lunaire à l’antique Supersonic Rocket Ship des Kinks (à votre disposition si ça vous dit). Climb aboard, climb aboard all you children… Qui reste-t-il à terre alors ? Personne ? Non. Pratiquement tout le monde. Car pour monter dans une montgolfière, il faut « se déshabiller, renoncer, laisser tomber ».


Le piano se fait éloquent, la batterie lâche son lest en cadence, la voix d’Andy se perd dans les hauteurs… mais ce sont les sanglots du bugle qui terminent, longuement.


« C’est d’abord une chanson triste, commente Andy. Nous, qui sommes souillés par nos mauvaises actions, notre violence, nos armes, notre vanité, nous n’embarquerons pas sur ce ballon pour une destination meilleure. Les jeunes, oui. C’est à la jeunesse de ne pas commettre les mêmes stupides erreurs que nous. Elle est l’espoir. Qu’elle ne nous écoute pas, qu’elle nous laisse tomber, comme du lest, si elle veut jamais s’élever au-dessus de tout ça. Au fond, je suis un optimiste. »


S’il le dit.


Pour la petite histoire, The Last Balloon fut, pendant un moment, le titre envisagé pour l’album Nonsuch. Il fut finalement le chant du cygne, pur et beau, d’XTC (Apple Venus Vol 2 étant l’album jumeau d’Apple Venus Vol 1 qu’il clôt). Seigneur, si ç’avait été Nonsuch qu’il avait conclu, cette œuvre déjà exceptionnelle serait parvenue à un état de grâce comparable à ce qui émane de Sgt Pepper’s, Odyssey and Oracle ou Pet Sounds.


« C’est le dernier ballon en partance, et nous ne ferons pas l’affaire ».

OrangeApple
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le 27 févr. 2017

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