American Gods
7
American Gods

Série Starz (2017)

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OK, je comprends mieux…
Je comprends mieux tout ce qui se dit sur cette série.
Je comprends pourquoi on me l’a tant conseillée, mais je comprends aussi pourquoi à chaque fois ces conseils étaient agrémentés de « oui mais attention quand même… »


Parce qu’effectivement, je reconnais que ça vaut le détour pour – parfois – une certaine audace formelle ; des moments assez séduisants dans leur démarche ; ainsi qu’une atmosphère générale qui a son identité et sa personnalité.
Seulement, au final, je dois tout de même bien reconnaitre que c’est peu au milieu de pas grand-chose.


Comme beaucoup de séries de la fin des années 2010, « American Gods » souffre de ce mal qu’est la saison tunnel. Un tunnel qui, en plus, n’attend même pas la fin de l’épisode 1 pour commencer.
Très rapidement, on comprend qu’il ne se passera pas grand-chose jusqu’au cliffhanger final censé réanimer notre intérêt pour l’intrigue en fin de saison.


Et ça ne manque pas. Episode 2 : intrigue mise en stand-by pour présenter des personnages et creuser la back-story du héros.
Episode 3 : intrigue toujours mise en stand-by pour présenter encore plus d’autres personnages et maintenir quelques fils rouges sur ceux présentés dans l’épisode précédent.
Et ainsi de suite…


Alors OK, on peut estimer que chaque dieu vaut le détour et que quelques délires visuels valent le coup d’œil...


(Moi, j’ai par exemple trouvé l’intro de l’épisode 3 avec la petite vieille qui rencontre la mort vraiment très réussie).


...Seulement voilà, tout ça fait au fond très patchwork et l’intrigue qui est censée porter la série est au final bien trop ténue pour m’embarquer.
D’une part j’ai du mal à m’investir dans ce personnage assez archétypal et peu travaillé qu’est Shadow Moon (alors OK, ça a l’air d’être voulu, il n’empêche que moi ça me coupe totalement en termes d’immersion), mais en plus je trouve que la série peine vraiment à créer son effet d’hameçonnage.
Qu’on nous pose comme effet mystérieux le fait que Shadow Moon soit au cœur d’un challenge entre dieux, OK, moi je veux bien.
Mais au bout d’un moment il faut un peu remettre du café dans le moulin.
Quand au bout de plusieurs épisodes, on en est encore à stagner sur ce seul et unique mystère là, sans que l’intrigue n’ait été capable d’y rajouter quoi que ce soit, pour moi c’est juste un énorme souci.


Au fond, ce qui me désole le plus dans ce projet, c'est que je suis persuadé que si cette série était sortie dix ans - ne serait-ce que cinq ans - plus tôt, elle aurait sûrement été différente.
Cinq ans plus tôt, on était encore dans une période de conquête et non dans une période d'occupation.
Parce qu'en effet, à partir des années 2000 il y a pour moi clairement une croisée des flux qui s'est opérée entre cinéma et série ; croisée qui s'est clairement faite en faveur du monde des séries.
D'un côté les salles ont perdu en attractivité à cause des prix trop prohibitifs et des productions de plus en plus standardisées tandis que de l'autre côté certaines chaînes à péage ont su capter ces flux égarés en offrant le principe d'un abonnement qui donne accès à un plaisir plus régulier, déconnecté des enjeux de l'audience (donc plus audacieux) et cela avec la garantie d'un spectacle formellement acceptable et s'étalant sur le temps long.
Sitôt les courbes se sont inversées que chaque chaîne a dû se démarquer avec des produits d'appel forts, marquants et sachant tout de suite satisfaire le chalan.
Pour moi ça a été ça la force de cet âge d'or sériel : une concurrence permanente dans l'audace et dans la densité qui ont permis l'émergence de séries comme "Oz", "Six Feet Under", "Dexter", "Californication", "True Blood", "Breaking Bad" et j'en passe...
Toutes ces séries ne sont pas forcément des chefs d’œuvres en termes de régularité et de constance, mais au moins ce sont des séries qui ont rompu avec les modèles classiques...
Et je ne peux m'empêcher de penser que si "American Gods" avait été produite au cours de cette période-là, pour sûr que pour se démarquer du reste elle aurait clairement envoyé davantage de bois, dès les premiers épisodes, quitte à tout cramer sur une ou deux saisons et ne laisser que des cendres derrière (à l'image d'un "Dexter" ou d'un "True Blood" par exemple)...
Et personnellement, j'aurais clairement préféré...


Or le problème, c'est que, malheureusement, "American Gods" est bien une série de la fin de la décennie 2010.
Et à ce moment-là le marché n'était plus en pleine expansion. Il était déjà constitué.
Il fallait donc l'entretenir désormais. Maintenir le spectateur captif. Lui donner sa came.
(Les algorithmes faisant le reste...)
Ainsi on a fait des études de marché et on a regardé ce qui plaisait.

Et à partir de ce moment là les séries ont donc commencé à toutes se standardiser.
Il ne s'agissait plus de se démarquer de la concurrence mais de fidéliser sa clientèle. Lui offrir ce qu'elle voulait.
Et comme les études de marché disent que les gens se fidélisent à une série sitôt ils accrochent à des personnages, alors le développement de personnages est devenu la règle, au point même de ne plus réfléchir vraiment à la manière dont on les développait.
On déroule sans réfléchir. On conclut juste chaque saison avec une petit cliffhanger histoire de bien hameçonner le spectateur en attendant qu'on lui resserve la deuxième bolée. Et c'est parti mon kiki : on a là un modèle qu'on peut calquer sur tout contenu, ad nauseam.
C'est ça moi ce que j'appelle une série-tunnel.
C'est ce que sont des séries comme "Handmaid's Tale", "Dark", "Mr. Robot" et toute la ribambelle de séries de cette époque.
Ce n'est certes pas nouveau (kof kof "Walking Dead") mais désormais c'est généralisé.
Et "American Gods" fait donc partie de cette généralisation.
Et moi ça me fait chier...


Ça me fait chier parce qu'une série comme ça pouvait clairement développer un univers ET une intrigue denses.
Une série comme ça avait clairement de quoi se faire un bulldozer, au moins sur une à deux saisons.
En d'autres mots, cette série avait de quoi se hisser parmi les dieux du monde sériel américain.
Mais non... Au final ces dieux d'"American Gods" n'en ont que l'apparence mais pas la profondeur.
A mon grand regrets, ces dieux américains se sont révélés être des fétiches.
De banals duplicatas sans âme...


...Des faux dieux.

Créée

le 15 mars 2021

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