Bates Motel
6.7
Bates Motel

Série A&E (2013)

Ah, Norman Bates. Probablement l'un des personnages de fiction les plus fascinants du cinéma, comme de la littérature contemporaine. Si l'on doit remonter à l'origine du mythe, il est évidemment impossible de faire l'impasse sur le "fait divers" Ed Gein, autrement nommée la goule de Plainfield (histoire de bien mettre dans l'ambiance). Cet homme dévasté par une relation oedipienne avec une mère obsédée par la religion et par l'éducation trop rigide de ses deux fils a marqué l'histoire criminelle américaine avec sa manie de déterrer les cadavres, sa fascination pour les femmes et sa propension à souhaiter s'habiller à leur image. Je n'ai pas eu le temps de me pencher sur le roman de R. Bloch, et Psychose compte parmi mes projets de revisionnage dans un futur assez proche, mais je me souviens suffisamment de l'univers sordide instauré par Hitchcock pour jauger du parallèle avec la série Bates Motel.
Il faut être honnête : c'était loin d'être gagné.


Mûri par une production hollywoodienne obsédée par les monstres et principalement leurs origines, le projet avait tout pour se casser la gueule, car nécessitant des épaules suffisamment solides pour en soutenir la structure. Pari plutôt réussi, malgré deux premières saisons poussives au possible (bien que nécessaires pour instaurer le cadre initial et faire comprendre au spectateur - parfois non-initié - toute la teneur de la relation Norman-Norma Bates. On s'accroche toutefois, notamment grâce au jeu parfait d'une Vera Farmiga à la limite du rôle de la maniaco-dépressive par excellence, manipulatrice sans même toujours s'en apercevoir. Car c'est tout là le drame de cette histoire d'horreur : comment deux êtres aussi épris l'un de l'autre s'entraînent dans un abysse de folie dont ils ne prennent conscience que trop tard au fil des années qui passent. D'entrée de jeu (c'est-à-dire dès le premier épisode, chapeau), le lien entre les deux personnages est parfaitement établi, et pose déjà les bases des enjeux de Bates Motel. Freddie Highmore instaure le doute quant à sa capacité à incarner un Norman Bates encore adolescent, mais il faut bien reconnaître que les saisons s'égrènent en renforçant tant son jeu d'acteur que l'incarnation de ce personnage dantesque. Highmore EST Norman Bates, de par ses postures fantomatiques, étranges dans des années 2010 au milieu desquelles le couple mère-fils détonne. Et c'est bien là tout le génie de la série. Outre le talent des deux acteurs qu'il faut reconnaître par-dessus tout, le talent de leur prestance est pour beaucoup dans leurs manières d'être désuètes. Bagnoles, mobiliers, vêtements, hobbies et vocabulaire nous renvoient forcément aux années 50 dont sont issus les personnages d'Hitchcock, et il s'agit probablement de l'aspect le plus jouissif de l'œuvre moderne. Ils sont comme issus d'un rêve, ou plutôt d'un cauchemar, figures intemporelles et fantômes maudits qui ne trouvent pas leur place dans la société, quelle que soit l'époque.


Les personnages secondaires demeurent bien fades en comparaison, plongés dans un univers définitivement moderne, quoiqu'émaillés par quelques surprises plutôt agréables, à commencer par Nestor Carbonnell en shérif prêt à suivre le duo dans une descente aux enfers à l'acmé grinçant. On ne refuse jamais une apparition de Mike Vogel en fils de pute accompli, mais le clin d'œil le plus délicieux demeure probablement l'apparition de l'actrice Brooke Smith au début de la cinquième saison. Car quoi de mieux qu'un rôle de shérif traquant Norman Bates, lorsque l'on joua Catherine Martin, prisonnière du tueur en série Bill dans Le Silence des agneaux ?
La lassitude concernant certains épisodes concerne malheureusement certaines parties du scénario plutôt surprenantes, voire carrément insupportables (quel intérêt d'établir un trafic de cannabis dans White Pine Bay ?), puisque donnant la part belle au frère aîné de Norman : Dylan (campé par un acteur aussi tête à claque qu'incapable d'articuler une phrase correctement).
Hormis ces fautes de parcours, des errances scénaristiques et autres détails insignifiants, l'esprit de Bates est bien là. La demeure, fantasmatique au possible, le motel attrayant malgré l'aura nauséabonde qui s'en dégage. La cinquième saison reste définitivement la meilleure, introduisant superbement un caméo aussi étrange qu'appréciable, réécrivant le chapitre original avec audace et intelligence.


Certains se lasseront peut-être bien avant cela, et je ne peux que dire que ce serait fort dommage pour eux.
Une belle surprise, et surtout : du beau boulot.

SerenJager
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mon Histoire. (Séries.)

Créée

le 22 févr. 2018

Critique lue 597 fois

3 j'aime

2 commentaires

Seren_Jager

Écrit par

Critique lue 597 fois

3
2

D'autres avis sur Bates Motel

Bates Motel
Théo-C
7

Norman fait un caméo

"Psychose", le célèbre film de Sir Hitchcock (mon préféré, il faut bien le dire) a finalement trouvé son adaptation sérielle au nom de "Bates Motel". Un format télévisé qui propose à son...

le 11 déc. 2013

22 j'aime

2

Bates Motel
Saoirse
5

Retour dans le passé, ah non on est bloqué en 2013.

"Bates hotel" retrace la jeunesse de Norman Bates le gros méchant (atteint d'un dédoublement de la personnalité.) du livre "Psychose" écrit par Robert Bloch sorti en 1959, puis sorti en film par...

le 23 mars 2013

22 j'aime

11

Bates Motel
RizlaineSandra
9

De mieux en mieux

J'ai bien attendu de finir la saison 4 avant de rédiger un avis. Je voulais ne pas juger trop vite, avoir le recul nécessaire; et je ne regrette pas! Que dire de cette série si ce n'est qu'elle a...

le 24 mai 2016

15 j'aime

Du même critique

Germinal
SerenJager
8

"J’attends le jour où vous serez tous fauchés, culbutés, jetés à la pourriture..."

Impossible de passer à côté de l'adaptation de l'œuvre monstrueuse de Zola. Monstrueuse, pour ses pauvres hères, ces ouvriers noircis de charbon, vomissant la poussière sombre par tous les pores,...

le 10 févr. 2017

12 j'aime

4

Alien: Covenant
SerenJager
3

Quand le foutage de gueule devient un art.

Ridley Scott est mort. Ce n'est pas possible autrement. Telle la rumeur qui prétend qu'Avril Lavigne est morte, remplacée par un sosie devenue Japan addict et amoureuse des licornes roses qui pètent...

le 22 sept. 2017

12 j'aime

5

Pet
SerenJager
5

Le contrepied jusqu'à l'absurde.

Le film possédait un énorme potentiel, principalement porté par la sublime et dérangeante Ksenia Solo. Dominic Monaghan, s'il fait partie des visages qui comptent dans le paysage de la popculture...

le 13 mai 2017

9 j'aime