On dit souvent que ceux qui rient le plus sont au fond les plus déprimés. Je n'ai aucune foutue idée de si c'est vrai, mais ça s'applique en tout cas très bien à cette série. Ce qui démarre au début comme une petite sitcom animée innocente avec des personnages un peu trop unilatéraux fait bien vite tomber les masques sur ses ambitions bien plus sérieuses. Bojack Horseman est ainsi une série qui parle de dépression, de quête du bonheur, d'ambition, mais également de la médiocrité humaine. Et il le fait avec un ton qui n'hésite pas à aller dans les extrêmes comiques et tragiques, mais qui tombe toujours avec une justesse drastique. Ainsi s'enchaîne au cours de la série les francs fous rires et les déprimes profondes, parfois au sein d'un même épisode quand on ne s'y attendait pas.
La force numéro un de la série réside dans ses personnages, tous attachants et pourtant si détestables avec le recul. Mais c'est parce qu'ils sont si détestables qu'ils sont intéressants, car ici leurs défauts ne sont pas justes des prétextes à des gags, ce sont les moteurs qui les font évoluer, à la fois leur raison d'être et ce qu'ils essayent de fuir. Et toute la série évolue dans ce sens : on voit une bande de personnages lutter contre leur propre nature, qui finit irrémédiablement par les rattraper. Chaque fois qu'un personnage s'élève enfin au-dessus de sa propre médiocrité, c'est pour mieux s'y vautrer à la première tuile, mais chaque fois qu'ils finissent au plus bas, ils se relèvent plus haut que jamais. Si on peut accuser une certaine répétitivité du schéma narratif, chaque saison étant plus ou moins toujours construite sur ce cycle de réussite et de déception, cela permet à la série de taper fort sur un point extrêmement pertinent : non, changer n'est pas facile. Non, la vie n'est pas une sitcom joyeuse où l'on aura toujours ce que l'on veut. Non, tous le monde ne nous accordera pas le pardon tant espéré pour nos erreurs passées. Non, ces erreurs passées ne s'oublient pas miraculeusement. Non, nous ne reverrons pas forcément ceux qui nous sont chers le lendemain. Et dans ce constat amer, la série laisse cependant résider un espoir : celui de trouver le bonheur dans l'instant présent, tant qu'il dure, et d'avancer, car le lendemain ce bonheur pourra tout aussi bien durer que disparaître subitement.
Une des seules "faiblesses" de la série réside peut-être dans l'aspect de la critique de la société et du monde du cinéma dépeint ici, assez inévitable dans les cartoons adultes. Oh, ce n'est pas que la série ne marque aucun point de ce côté-là et ne tape pas juste, mais cet aspect est finalement dérisoire comparé à la dimension psychologique, au point de n'être finalement plus qu'une toile de fond dans laquelle évolue les personnages, ou un prétexte à leur traits de personnalité, plus qu'une réelle volonté de vouloir frapper là où ça dérange. Ce qui n'est finalement pas plus mal.
Bref, Bojack Horseman est résolument une série solide qui a bien plus à offrir que la concurrence. Son début peut-être plus classique ne s'apparente finalement qu'à un "hook" pour appâter le public avant de lui offrir bien plus que ce qu'il demande, sans jamais délaisser totalement son aspect comique cependant, et entame un crescendo dramatique où les épisodes laissant indemnes les spectateurs se font rares.