No alarms and no surprises
Bron | Broen fait partie de ces séries qui auraient pu être franchement incontournables mais qui, par souci de rentrer à tout prix dans le moule du genre dont elles se revendiquent (une série noire policière très américaine il faut bien le dire), finissent par perdre leur singularité et leur intérêt tout simplement.
UNE SÉRIE FORMATÉE QUE VEUT ETRE TROP EFFICACE
Car oui, derrière une volonté claire de peindre une intrigue dano-suédoise avec des personnages, des lieux, des références à ces 2 pays, tous les codes et les ficelles des séries policières américaines classiques sont là : le duo de flics que tout oppose, le serial killer intelligent qui a toujours une longueur d'avance, les indices et rebondissements déjà vus mille fois...
Tout ça ne serait pas trop grave si la série parvenait à se créer une véritable identité et à dérouler son intrigue avec quelques surprises bien senties ou une narration un peu différente. Malheureusement, le seul trait vraiment reconnaissable de la série est cette propension à l'efficacité au détriment de la subtilité :
- Chaque personnage secondaire n'est exploité que durant quelques scènes avant d'être étrangement jeté aux oubliettes une fois qu'il a apporté sa contribution à l'intrigue principale (les personnages de Charlotte, Stefan, Hening pour ne citer qu'eux).
- On ne découvre pas les personnages principaux au fur et à mesure de la série, ils nous sont imposés et décrits dès le premier épisode où les collègues Suédois de Saga lancent un : "Est-ce qu'il sait que Saga est un peu spéciale ?" et où Martin revient tout juste de sa vasectomie. Tout est mis en place tout de suite, figé, seule l'intrigue compte et va avancer.
DES PROMESSES VITE DÉÇUES
Dans ces conditions, difficile de ne pas pester car le premier épisode, malgré ses défauts, nous promettait beaucoup. Ce corps découpé à la frontière dano-suédoise mêlant les cadavres d’une Danoise et d’une Suédoise laissait à penser qu’on aurait à faire à un polar local, transposable nulle part ailleurs.
(ATTENTION SPOIL) De la même façon, le tueur entend faire parler de 5 problèmes majeurs dans la société. Sauf que la série se concentre tellement sur son intrigue et ses 2 personnages principaux qu’on ne voit jamais les réactions des communautés danoises et suédoises à ces fameux meurtres. C’est extrêmement déroutant de prétendre écrire une série sur des meurtres révélateurs de problèmes de société et d’être en même temps incapable de représenter l’impact qu’ils ont sur la société ! Bron | Broen n’est pas une série originale typiquement nordique, elle est une série sans identité dans un environnement sociétal inexistant. La froideur des enquêteurs lorsque leurs collègues ou les gens qu’ils ont interviewés finissent par mourir contribue elle aussi à donner cette impression de superficialité, de faux. Car tout est faux dans cette série, à commencer par les motifs du tueur, piètre moyen de nous faire avaler une fainéantise d’écriture.
UNE SERIE CONDAMNÉE A EN FAIRE TROP
Coincée par son incapacité à sortir des codes de la série policière classique, à peindre la société nordique qu’elle prétend bousculer et à donner de l’épaisseur à ses personnages, Bron | Broen s’engage donc sur le périlleux choix du grand n’importe quoi sur ces 3 derniers épisodes. Bourrée de rebondissements invraisemblables et de réactions stupides de ses personnages principaux, la série se vautre dans un final aussi prévisible que désolant qui vient balayer toutes les bonnes idées qui auraient pu faire l’originalité de la série (non, ce n’est pas une série sur la déviance de la société, juste une histoire de vengeance personnelle maquillée ?? Ok, ça marche mais depuis quand est-ce plus intéressant de parler de la folie d’un homme que des travers d’une société ?? ).
La seule originalité sera de faire mourir le fils de Martin à la fin. Mais là encore, on évite de creuser la réaction des personnages, on s’empresse de finir l’épisode (1 minute plus tard à peu près). Bref, il aurait fini vivant, ça aurait été la même chose.
Au final, Bron | Broen nous vend dès le départ une intrigue sociétale nordique d’une envergure qu’elle n’a ni l’intelligence scénaristique ni la créativité pour traiter correctement. En justifiant ces manquements par un tour de passe-passe sur les vrais motifs du tueur, elle parvient pourtant habilement à s’en sortir non sans sacrifier la crédibilité de son récit, la patience du spectateur et son identité nordique.
Une série à potentiel dont on oubliera rapidement cette version une fois que les Américains se la seront appropriée et en auront, j’en suis certain, corrigé les principales lacunes qui gâchent véritablement le plaisir.