(Edition 2018)
Chaque année, la même routine. Allumer son téléviseur et surprendre le clair de Canal+. Spectacle désuet mais hors du temps, les Césars, comme toute cérémonie célébrant une compétition illusoire de cinéma, se veulent porteurs d’appétit : celui d’un spectateur qui découvre, s’ennuie et s’émerveille jusqu’à vouloir espérer un jour être dans cette Salle Pleyel ou devant un écran où se sont illustrés les nommés et gagnants.
Malgré les cafouillages, les blagues qui tombent à plat, l’ennui, les remerciements interminables, les malaises et embarras inopportuns, le stress de quelques nommés, tout touche au plus profond du cœur comme si le cinéma était à portée de main dans cette salle d’icônes, affichant de leur présence le gratin des pellicules rêvées. Les prix s’enchaînent, les transitions agacent et les discours restent, plus ou moins réussis, mais constamment sincères et éprouvés. Qu’il s’agisse d’une Jeanne Balibar habitée et exaltée ou d’un Robin Campillo engagé, les mots se mêlent dans un « combat pour l’indéfinissable » : celui où faire du Cinéma, c’est « Faire un film de barge et non pas suivre un cahier des charges ».
Et puis survient Bebel et la fanfare du cinéma, des extraits d’une vie sur les chapeaux et les roues pour ensuite voir le roi illuminer la scène de ses quelques balbutiements d’ancienneté, maître d’un cinéma qui lui restera dans l’éternel. Des Hommages, quelques pleurs intérieurs, mais surtout à tout jamais des souvenirs de Cinéma. D’un tourbillon de la vie à quelques moustachus au Paradis, chaque désaccord s’accorde sur ce vent qui se transforme en frisson, sur ces paroles émouvantes transformant le silence, non en mort, mais en passion.
Car, au final, peu importe le résultat : c’est la réunion de ces figures qui compte, comme un goûter d’anniversaire où se réuniraient les héros du cinéphile. A l’image d’un enfant qui, dans une lettre pleine d’humour et d’admiration, déclarerait à la France tout entière son envie de faire du cinéma. Car de ces quelques mots, survit un appétit, semblable à une flamme d’espoir dans un milieu hermétique où la difficulté d’allumer l’étincelle se mue en un énorme « Que je t’aime » Cinéma.
Derrière les polémiques et l’actualité en panique, les clameurs se sont tues. Ne restent que ces doux souvenirs de ma jeunesse, ceux de légendes (plus ou moins) vivantes, là où quelques intervenants manient les vers comme Cyrano. Car on connaît la chanson : mon appétit est là, à chaque pensée, à chaque regard porté à ces femmes et hommes mais aussi des Dieux de Cinéma.