Death Note
7.9
Death Note

Anime (mangas) NTV (2006)

Parce que les mangas peuvent aussi être des chefs d'oeuvres

Aux sons de chants monastiques, l’histoire s’ouvre en parallèle sur deux personnages qui changeront bientôt le monde.


Light Yagami. Un étudiant doté à la fois d’une grande intelligence et d’une grande beauté, promis à un bel avenir, mais néanmoins dégoûté et blasé du monde qui l’entoure.
Ryuk. Un Shinigami ou « Dieu de la Mort », un être mystérieux dont on ne connaîtra jamais les origines, également blasé de son propre monde et rongé par l’ennui.


Tous les Dieux de la Mort vivent dans une sorte de monde parallèle, et ont en leur possession au moins un Death Note. En inscrivant le nom d’une personne dont on connaît le visage dans un de ces carnets, celle-ci meurt quelques secondes plus tard d’un arrêt cardiaque. Ruyk décide malicieusement de laisser tomber un Death Note dans le monde des humains, à l’attention de Light. Celui-ci découvre le potentiel du carnet et s’empresse de l’utiliser pour devenir une sorte d’entité mi-Dieu mi-Justicier qui nettoiera le monde de toute sa vermine… telle qu’il la définit.
Il devient bien vite une sorte d’idole sur les réseaux sociaux, connue sous le nom de « Kira » (Killer). Ruyk, dont la curiosité est piquée par l’intellect et l’ambition du jeune homme, sera tenu de le suivre aussi longtemps qu’il vivra, et l’informera régulièrement des différentes caractéristiques du Death Note et des conséquences de son utilisation.
L, un brillant détective dont personne ne connaît le visage, a pris connaissance de morts mystérieuses survenant chez les populations carcérales, et ne tarde pas à tendre un piège à Kira. Il comprend bien vite que ce dernier ne peut finalement pas tuer qui il veut…


S’ensuivra un jeu du chat et de la souris absolument haletant, où le premier qui découvrira l’identité de son adversaire le mettra hors d’état de nuire.


Death Note livre une analyse sociologique de l'homme face au bien et au mal, et offre une réflexion sur l’essence même de la Justice, avec cette question qui restera à jamais sans réponse : Est-ce criminel de tuer un criminel ? Death Note rebats les cartes en permanence, et le plus souvent au moment où le spectateur pourrait être tenté de prendre parti.


A mon sens, l’extraordinaire intelligence de ce manga réside dans la puissance d’écriture de son protagoniste : Light Yagami. Grâce à une ruse scénaristique que je ne vous divulgâcherais pas ici, Light passe d’un état sincèrement coupable à sincèrement innocent, et cerise sur le gâteau, c’est Light lui-même qui organise minutieusement ce twist.
Cela me rappelle un peu le sort d’Alex DeLarge dans Orange Mécanique, qui, si je simplifie très grossièrement, passe également de « méchant - gentil - re-méchant » via des méthodes médicales. Mais surtout et avant-tout par le cautionnement des milieux médiatico-politiques (il faut dire aussi que c’était un des thèmes du film). Ici, c’est plus ou moins la même chose, mais avec des moyens différents, et dans un contexte différent bien sûr.
Et encore une fois, c’est Light lui-même qui est l’instigateur de son propre sort, là où Alex DeLarge se laisse finalement porter par les évènements et ne fait que saisir les opportunités qui s’offrent à lui.


Donc évidemment : explosion de charisme, explosion d’intelligence, explosion de séduction : rarement un protagoniste aura autant envoyé. Jamais l’autodétermination, l’autocréation et la déification n’auront été aussi poussées chez un personnage de fiction.


Sorte de doppleganger bienveillant, L, le challenger de Light, n’est pas en reste. Grand favori des fans à juste titre, il se dresse sans sourciller face à ce Dieu en devenir, tantôt avec sérieux, tantôt avec malice, apportant ainsi quelques moments humoristiques bienvenus dans cet univers assez glauque.
Un justicier bienveillant, L ? En fait, pas tant que ça.
Même taille, même intellect, même idéaux (jusqu’à ce qu’un Dieu de la Mort s’en mêle), L et Light s’opposent autant qu’ils se ressemblent. Et c’est tout sauf un hasard.
Je me demande même si Ōba en personne n’a pas dit que Light n’était rien d’autre que L avec un Death Note, et inversement. Vous me corrigerez dans les commentaires si je me trompe.


Une des grandes forces de cet anime est que les 2 protagonistes, Light et L, sont loin d’être les seuls attraits de l’histoire.


C’est en réalité un quatuor de personnages principaux qui tient toute l’intrigue (Light, L, M et N). Et pour ne rien gâcher, ils sont portés par des personnages secondaires du même calibre. Je citerais pêle-même : le couple Naomi et Penber, Namikawa et Shingo pour Yotsuba, Takada, Mikami, Gevanni, et même Misa par moments. Sans oublier cette fripouille de Dieu de la Mort. Enfin bref, absolument tout le monde envoie du steak !


Pas toujours très appréciés des fans et considérés comme inférieurs au duo de choc initial, je trouve au contraire que la présence de N et M a toute sa place, et offre une nouvelle ligne de lecture à cet anime. Leur présence est réellement salutaire, car elle permet de sortir de tout schéma manichéen (Hollywoodien) qui aurait pu germer dans l’anime, et c’est certainement ce qui a contribué à rendre Death Note aussi culte.


Pour finir, je saluerais le dernier geste de la série que je juge d’une grande élégance : le scénariste aura eu le bon goût d’éjecter toute notion moraliste, et d’adopter une posture entièrement neutre vis-à-vis des thèmes principaux du manga : à savoir le thème la Justice et de l’éternelle opposition bien/mal. Exactement à l’image du « vainqueur » de cette course poursuite intellectuelle (pas de spoil).


Un mot sur la forme quand même : à première vue passe-partout et sans vrai patte stylistique, le trait est en réalité d’une grande précision, propre, lisse, minimaliste. La palette de couleurs est assez sombre. D’ailleurs une très grande partie de l’histoire se déroule soit de nuit, soit à l’aube ou au crépuscule, soit dans une lumière feutrée. L’anatomie, les perspectives et les contrastes sont très bien maitrisés. Le tout sied parfaitement au manga.
Excellente BO également, qui alterne guitares électriques et chants ecclésiastiques, et qui, à défaut de pouvoir la décrire autrement, évoque très bien ce côté « creusage de crâne ».


A la fin de cet anime, vous serez libres de participer à cette réflexion universelle de ce qui est sacré ou profane, bien ou mal, légitime ou illégitime. Vous serez libres de prendre parti ou non, de changer d’avis ou de camper sur vos positions, de conserver vos croyances ou de les envoyer valser. Peu importe, vous n’aurez ni tort ni raison. Et en définitive, n’est-ce pas cela, un monde juste ?


Je me fiche le manga soit une forme d’expression très connotée en Occident, pour ne pas dire méprisée.


Il n’y a même pas à discuter : Death Note est et restera à jamais un chef d’œuvre de ce siècle, très largement à la hauteur de certains grands classiques du Cinéma.

-Elle
10
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le 29 mai 2020

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-Elle-

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