Doctor Who
7.7
Doctor Who

Série BBC One (2005)

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TL;DR
Saison 1 : 7/10
Saison 2 : 9/10
Saison 3 : 8/10
Saison 4 : 7/10 (-1 pour The End of Time)
Saison 5 : 8/10
Saison 6 : 9/10


Shhh... spoilers.


Je me suis lancé dans une aventure assez dingue : partir en Erasmus à Londres. À partir de là, je me suis dit que c'était le moment ou jamais pour commencer Doctor Who, série dont mes potes les plus barrés m'avaient déjà vanté les qualités mais qui ne m'avait jamais vraiment attiré... faute de temps, faute de curiosité, peut-être les deux.


SAISONS 1–4 [Christopher Eccleston / David Tennant]
Russell T. Davies (RTD)


Alors. L'E1 ne m'a vraiment pas convaincu, malgré un Christopher Eccleston vraiment au dessus du lot. Sans déconner, ce mec dégage un charisme à la limite du mystique, c'est incroyable. En revanche, j'ai tout de suite adoré l'E2, beaucoup plus ambitieux et sombre avec l'introduction de la Guerre du Temps, ça laissait présager du bon. Et puis il y a eu l'E3... bref. Dans l'ensemble la S1 est difficile à suivre. Non pas à cause des effets spéciaux kitschissimes apportant un wtf factor plutôt appréciable, mais parce qu'elle tente beaucoup de choses en termes d'humour et de scénario, quitte à se casser les dents. Eccleston porte la saison sur ses épaules, c'est vraiment dommage qu'il soit parti aussi tôt. J'étais parti avec un a priori très négatif sur Rose et Jack, mais ce sont des personnages auxquels on finit par s'attacher. Heureusement, le génial bouquet final remonte vraiment le niveau et donne à la saison une vraie cohérence scénaristique. De quoi se chauffer avant d'attaquer les choses sérieuses avec...


... David Tennant. Outre son élocution abracadabrante et son large panel de jeu, il relance complètement la série grâce à un épisode de Noël mémorable, qui marque un vrai level up pour Doctor Who. La S2 est beaucoup plus fluide, pas un épisode n'est à jeter (sauf peut-être The Idiot's Lantern et Fear Her). Mention spéciale pour The Impossible Planet / The Satan Pit, qui ont une ambiance vraiment particulière en plus d'être remarquablement bien écrits. L'ensemble est porté par un fil directeur efficace avec l'arrivée de Torchwood, jusqu'à culminer sur un final explosif qui a réussi à faire pleurer ma soeur (si...). Après nous avoir surpris pour le pire et pour le meilleur dans la S1, voilà que le Docteur flambe dans des épopées à forte portée allégorique : le formatage scolaire, la Apple-mania (deux ans avant l'iPhone !), la confrontation entre le savoir et les croyances...


Puis vient la S3, où le Docteur montre ses faiblesses, et se révèle être un personnage pas si sympathique. On ressentait cette tension chez Eccleston mais elle n'avait pas été exploitée chez Tennant. C'est chose faite avec le superbe dyptique Human Nature / The Family of Blood, où j'avoue avoir versé ma larmichette. Et puis il y a Blink. Tant de choses ont été dites sur cet épisode que je ne m'attarderai pas dessus (ah si, c'est quand même le meilleur, mais ça 99% d'Internet le sait déjà). Pour le reste, cette saison contient quand même quelques épisodes franchement mauvais (The Lazarus Experiment et 42, argh). Le final en triple-épisode est très ambitieux et sait faire prendre la mayonnaise, mais résoudre tout ça sur un genkidama était très paresseux.


En revanche j'ai un vrai problème avec la S4. Alors que la série ne cesse de monter en gamme sur le plan technique RTD peine à renouveler son écriture, ce qui finit par donner des épisodes qui multiplient les péripéties pour remplir un vide dramatique. L'épisode spécial Voyage of the Damned résume un peu tout ça : beaucoup de bruit pour au final pas grand chose, sinon un bon spectacle. Pour tout dire, le seul épisode que j'aie vraiment adoré sur cette saison était Midnight, qui pour le coup m'a tenu accroché à mon coussin tout le long. The Fires of Pompeii est également très bon, en plus d'être à surveiller maintenant qu'on a Capaldi dans la S8. Le dyptique de Moffat Silence in the Library / Forest of the Dead m'a étonné, le personnage de River Song m'a fait une très forte impression et l'idée d'une romance littéralement à contre-temps est vraiment intéressante. Donna fait revenir à sa manière l'humour cartoonesque des premières heures, tout en se dévoilant davantage à travers l'excellent Turn Left. Dans l'ensemble, je préfère voir cette saison comme une transition qui prépare le terrain pour Moffat, avec un RTD en perte de vitesse qui libère la place en refermant les arcs narratifs de tous ses personnages secondaires (un peu vite, de surcroît).


Les épisodes spéciaux (saison 4.5) souffrent d'à peu près le même problème que la saison 4. Une aura tragique plane forcément sur les dernières aventures de Tennant, qui campe parfaitement un Docteur qui flambe de trop par peur de devoir s'éteindre un jour. Le problème, c'est que RTD a voulu en faire trop sur The End of Time. Les idées se bousculent jusqu'à ce qu'on ne sache plus vraiment qui représente réellement une menace, l'écriture fait tout pour maintenir Tennant à l'écran, jusqu'à rajouter d'interminables longueurs qui nuisent à l'intensité du récit. Le résultat est très forcé, et perd complètement de vue la spontanéité insolente qui donnait aux trois premières saisons leur fraîcheur et leur côté kitsch assumé.


Bilan
Si je devais tirer un bilan du travail de RTD, je devrais commencer par en souligner la principale qualité : son sens de la cohérence. L'auteur sait réellement poser les pions et créer une continuité entre les épisodes (Bad Wolf, Torchwood, YANA...). On regarde chaque épisode avec plaisir, et on se prend vraiment d'affection pour les personnages.


Cette tendance british à traiter des sujets profonds dans une atmosphère légère voire absurde m'a vraiment transporté dans les premières saisons, mais RTD la perd dès qu'il commence à prendre sa série trop au sérieux. Il y a une alchimie très puissante entre Tennant et son showrunner, mais à la fin, j'avais vraiment l'impression qu'ils ne pouvaient plus lâcher leur doudou. Du coup, tous les enjeux dramatiques finissent par graviter autour du Docteur, quitte à étouffer les personnages secondaires.


Rose apporte un vrai supplément d'âme à la série grâce à sa relation avec le Docteur (mention spéciale à Billie Piper qui est simplement trop CHOU, j'ai pas d'autre mot) et Mickey est très crédible en sidekick frustré qui se bat pour tourner la page. Mais une fois franchi le cap de la S3, le showrunner peine à maîtriser sa cadence. Martha est présentée comme un personnage plus mûr et entreprenant, mais il faut attendre la toute fin de la saison pour voir émerger cette facette (et encore, à travers une grosse ellipse narrative). RTD introduit brillamment le Master mais ne parvient jamais à mobiliser efficacement sa folie sauf pour un plot twist assez cool, d'autant plus dommage que John Simm livre une interprétation vraiment barrée. Donna apporte beaucoup d'humour mais hormis son importance pour le final elle ne m'a pas vraiment touché. Wilfred à l'inverse m'a bouleversé, mais on ne le voit vraiment pas assez. J'ai été aussi extrêmement déçu quand j'ai appris que la fille du Docteur ne reviendrait pas. C'était pour moi un personnage important, portant avec elle des questions qui auraient eu toute leur place dans la série : le passé militaire du Doc, l'origine de la vie, le sens donné à la violence, la paternité, l'autorité, l'éducation, etc.


Relancer Doctor Who dans la décennie de Jack Bauer était un pari extrêmement couillu, mais RTD a réussi son coup en créant un personnage charismatique, dynamique et torturé. Malgré le gâchis énorme d'Eccleston, Tennant était le meilleur choix possible pour ressusciter ce héros du siècle dernier. Après tant de travail accompli, restait à savoir si l'édifice allait survivre à un changement d'équipe et d'acteur principal... Steven Moffat avait brillé par l'inventivité de ses épisodes, allait-il être à la hauteur ?


SAISONS 5–7 [Matt Smith] – en cours –
Steven Moffat


N'y allons pas par quatre chemins : ce nouvel arc fait un bien fou. On a un Doc très différent, avec un Matt Smith très flexible dans son interprétation là où Eccleston et Tennant avaient une tendance à occuper tout l'espace, dans le script comme à l'écran. L'introspection torturée laisse place à un nouveau personnage à la fois candide et lucide, donc vraiment sage. Les personnages secondaires gagnent du coup en densité, là où les précédents compagnons s'apparentaient plus à des stéréotypes poussant le Docteur à se dévoiler au spectateur. Amy et Rory sont des compagnons vivants qui évoluent dans le bon sens (surtout Rory qui devient super classe et drôle), River Song ajoute de l'action là où il faut, et apporte un degré de complexité scénaristique vraiment cool (j'aurais bien envie de mater ses épisodes dans sa chronologie à elle, tiens). La résurrection du héros étant désormais achevée, Moffat peut se concentrer sur l'exploration de nouveaux univers, le nouveau budget aidant à repousser les limites de ce qui était représentable auparavant. L'atmosphère est aussi plus enfantine et étrange, ajoutant un merveilleux burtonien très sympa. Certains reprocheront à Moffat de vouloir faire peur aux gosses. Je me contenterai de dire qu'il fait rêver les grands, ce qui est en soi un exploit par les temps qui courent.


Tout ceci met cependant pas mal de temps à trouver la bonne tonalité. On a des épisodes vraiment pas terribles (The Vampires of Venice...), et le double-épisode avec les Anges était plutôt décevant, sans doute en attendais-je beaucoup trop. L'ensemble est heureusement assez homogène, et la S5 ne fait que gagner en qualité. La deuxième moitié rattrape aisément les défauts de la première, avec des épisodes très originaux (Amy's Choice, The Lodger). Et surtout, SURTOUT, on a enfin droit à un vrai season finale en double-épisode à la fois inventif et puissant, là où RTD avait une fâcheuse tendance à abuser du deus ex machina. Et puis vient l'épisode de Noël, A Christmas Carol. Après avoir tâtonné avec panache dans la S5, Moffat trouve enfin le ton juste entre poésie, SF et ferveur britannique. Cet épisode, en plus d'adapter Dickens de manière vraiment intelligente, est un vrai moment de grâce en termes d'écriture, de jeu d'acteur (Michael Gambon) et de mise en scène (la scène du projecteur était tout bonnement magnifique).


La mécanique étant désormais huilée, Moffat se lâche : la S6 est une véritable explosion. Un univers beaucoup plus sombre, des punchlines toutes plus excellentes les unes que les autres, des visuels magnifiques... Ce début de saison transpire l'epicness par tous les pores, quitte à perdre un peu son souffle dans la deuxième partie. La S6 se démarque par son homogénéité qualitative, mais pas forcément par sa cohérence narrative. L'arc principal est porté par des moments de bravoure et les fillers sont tous très bons (The Doctor's Wife, Night Terrors, The Girl Who Waited). Cela dit, Moffat semble ne pas vouloir déléguer l'écriture de "son" scénario, alors qu'il aurait gagné à en diluer le génie sur le reste de la saison. Plutôt que de résoudre en un climax les questions soulevées (de toute façon, les auteurs ne s'en sont pas donné le temps), le final préfère en effet tout laisser en suspens pour poser les bases de la saison suivante. J'ai malgré tout vraiment adoré cette saison, ne serait-ce que pour son audace et sa volonté d'envoyer valser les standards de la série d'origine.


Le principal écueil de la S6 reste son enjeu sous-jacent : faire connaître la série hors du Royaume-Uni, quitte à le faire par effraction. L'action est plus intense et le scénario se sérialise beaucoup plus, multipliant les ponts entre les différentes saisons. Avec une production quasi cinématographique et son écriture ambitieuse, la S6 a tout pour égarer les fans de la première heure. On perd bien sûr cette veine british épisodique caractéristique des premières saisons mais cela ne m'a jusqu'à maintenant pas gêné outre mesure, préférant y voir l'évolution naturelle d'une série au succès grandissant. Aimant considérer Doctor Who comme une série expérimentale, j'accueille toujours avec plaisir l'audace de Moffat à proposer des histoires nouvelles, là où RTD divertissait avec les méchants canoniques de la série. La S7, sensée apporter une conclusion aux tribulations du 11ème Docteur, déterminera la réelle portée d'une écriture complexe et délirante, mais dont les lignes de faiblesse commencent à s'accentuer.


SAISON 8 [Peter Capaldi]
Steven Moffat
– à venir –

Kirabochips
7
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le 26 nov. 2014

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