Elfen Lied est le premier anime que j'ai entièrement regardé, il a donc une valeur hautement symbolique, c'est pourquoi je lui consacre ma première critique. Je n'y vais pas par quatre chemins, cet anime est gore, malsain avec des enchâssements romantiques saupoudrés de sketchs parfois patauds et de scènes de nudité a priori futiles. Bref, autant de caractéristiques, notamment la violence crue et les nus qui ne correspondent pas habituellement à mes standards. Et pourtant, cette série m'a flanqué une véritable claque vectorielle (pardonnez-moi l'expression !).
Le premier épisode annonce la couleur ô combien rougeoyante et ténébreuse de l'œuvre. Le paradoxe d'une jeune femme dénudée aux cornes, ma foi, fort mignonnes, qui arrache aux humains des lambeaux de chair, comme un ciseau découperait du papier, paralyse la pensée du curieux. La première partie est ultra-violente et scénarisée, c'est une vraie chorégraphie au rythme lent et sentencieux. Une scène insupportable au premier visionnage et presque jouissive lorsqu'on a déjà vu Elfen Lied. La seconde partie nous présente une des nombreuses trêves de violence qui essaiment l'anime et connecte les différents personnages principaux.
Tout d'abord, la musique, LA MUSIQUE et surtout l'opening : LILIUM !!! Sans elle, Elfen Lied ne serait plus tout à fait Elfen Lied. C'est l'âme de l'anime, capable de tirer les larmes de tristesse, de remord, de douleur, de sang aux spectateurs avec cette douce mélodie mélancolique d'un autre monde. Elle chuchote, murmure, marmonne et crie le désespoir à différentes intensités et tonalités, suivant son chemin tour à tour enfantin et sanguinaire. L'ending dénote particulièrement de l'œuvre mais nous renvoie aux éléments de relâchement temporaire qui nous sont offerts pour supporter l'insupportable, que je détaillerais plus loin.
Ensuite, les personnages : si quelques-uns restent cantonnés à leurs rôles, notamment le soldat sociopathe et le directeur général qui font office de grands méchants loups et le "héros", à mon sens assez niais et dégoulinant de bienveillance avec une certaine incapacité à prendre des décisions sur sa vie personnelle (qui seront en partie expliquées), la grande majorité (y compris au sein du laboratoire) suit des chemins sinueux et évolue au fil du temps. Dialoguant avec leurs consciences détraquées, ces anti-héros errent sur une planche d'espoir rongée par le flot de la résignation. L'identification aux personnages est presque immanquable, que ce soit avec Lucy/Nyu, Yuka, Nana, Kurama et même Mariko (oui, vous avez bien lu !).
De plus, Elfen Lied n'hésite pas à fouiller les moindres recoins d'un univers particulièrement sombre et tourmenté. Les traumatismes et leurs répercussions sont peu à peu mis en lumière, expliquant ou révélant après-coup la psychologie, voire les troubles psychiques de plusieurs personnages. L'eugénisme, la discrimination et le fanatisme ont également une belle place dans ce soleil de noirceur. De mon point de vue, il s'agit, par ricochet, d'une valse de la vie tumultueuse penchant tantôt vers l'ode à la tolérance, tantôt vers son requiem, lié à l'impuissance des protagonistes.
En ce qui concerne le scénario, il présente régulièrement des flash-back qui ne désorientent pas le public et permettent une redécouverte régulière des personnages. À ceci s'ajoute des cliffhangers très maîtrisés, le spectateur trépigne d'impatience presque à chaque fois (à titre personnel, je les ai tous vus en une journée, bien que cela soit au moins le troisième visionnage de la série). Enfin, l'histoire oscille régulièrement entre différents scénarios (qui s'alliera avec qui ? Y aura-t-il l'intervention de tel ou tel personnage ? Ce protagoniste va-t-il mourir ? Être emprisonné ou torturé ?...) et alterne les lieux, veillant à donner une profondeur aux personnages.
Alors oui, certes, les gags enfantins, la nudité sur-représentée et les scènes violentes ou choquantes mentalement semblent desservir le récit. Cependant, elles mettent les nerfs du spectateur à vif, ouvrant les plaies de ses propres états d'âme. Les scènes gores alternent avec les séquences de gênes adolescentes ; l'ecchi (scènes pervertes) avec les instants suspendus aux lianes du romantisme ; les actions cadencés avec des facéties puériles dans des montagnes russes démesurées. Et c'est bien ce qui désarçonne son public, ce qui lui donne le goût amer, âcre et acide des regrets, de la souffrance et de la mort, et l'odeur sucrée, suave et exquise de la vie, des amours et de la joie simple, à travers ces nombreux anti-héros.
Elfen Lied est une œuvre aux multiples excroissances (science-fiction, romance, comédie, drame, ecchi, horreur...) qui joue avec nos tripes, les tord, les caresse, les cisaille puis les colmates, sans cesse, toujours plus profondément, toujours plus intensément. Il n'est évidemment pas recommandé à tout âge mais si vous supportez le premier épisode, vous pourrez continuer la série et en retirer un plaisir tout particulier, à cheval entre le tiraillement, le sadisme, la sensualité, la poésie, la romance et avant tout l'obscure tristesse. Un monde nouveau vous attend !!!